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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/47

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de soupe aux crêpes). Si c’était l’été et qu’il y eût pardon au voisinage, on y suivait les vêpres et la procession. Puis le père entrait à l’auberge ; la mère revenait au manoir, et Francésa et la servante s’asseyaient, avec leurs compagnes, sur le muretin du cimetière, où les galants, debout, timidement, les entretenaient d’amour. Et si c’était l’automne ou l’hiver, on s’enfermait au logis ; on veillait jusqu’à neuf heures, devant des feux de chènevottes et d’ajoncs, autour de la grande cheminée à chambranles, le père à droite dans son fauteuil carré de vieux chêne, la mère en face sur une escabelle, puis Francésa, les valets, la servante, des voisins, quelquefois un pauvre ou une pauvresse ou bien un chanteur ambulant de passage au manoir et qui avait son canapsa en peau de veau bourré de sônes et de cantiques. À défaut de chanteur, Francésa prenait dans l’armoire la Vie de Louis Eunius ou le Mystère de Sainte-Tryphine, de vieux manuscrits jaunes et poudreux, copiés d’une écriture tremblée par quelque ancien du village, et, pendant qu’elle déclamait la descente d’Eunius aux enfers, la fuite de Tryphine ou l’entrevue de Kervoura et de la sorcière, sa voix était si grave et entrait si