Page:Le Goffic - Poésies complètes, 1922.djvu/287

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Je ne veux point vous voir, comme on vous représente,
Prête à vous détourner de son dernier autel,
Mais fidèle à son culte et pâle et frémissante
Pressant sur votre cœur son fantôme immortel.

Et qu’importe s’il n’est qu’une vaine apparence ?
Le songe de vos soirs en serait-il moins beau,
Ce songe où palpitait une obscure souffrance,
Faite de nostalgie et d’effroi du tombeau ?…

Je me suis, comme vous, laissé prendre à son leurre,
Par dégoût du réel tout au rêve épuisant,
Et, captif du Passé, je n’ai pas cru que l’heure
Valût d’être cueillie aux branches du Présent.

Et les jours au pied vif, changeants fils de l’année,
Ont fui. L’été qui meurt fait les soleils plus courts,
Et celle dont les mains filent ma destinée
Avant l’hiver peut-être en suspendra le cours.
 
Je ne me plaindrai pas des rigueurs de la Parque,
Ni du néant des dieux qu’avait créés ma foi,
Si, quand le noir Passeur me prendra dans sa barque,
Un peu de vous, Bretagne, y descend avec moi.