LA VIE DE S. SANÉ,
Evesque Hybernois, Titulaire de la paroisse de Plousané en Léon, le 6 Mars.
aint Sané l’un des Patrons de nostre Diocese de Léon, estoit Hybernois de nation, & fut donné de Dieu pour parachever ce que saint Patrice avoit commencé en cette Isle, comme il avoit prédit long-temps auparavant car, estant un jour interrogé par quelques Seigneurs de l’Estat futur d’Hybernie,
quant à la Religion, il repondit qu’il naistroit, dans peu de temps, un enfant qui auroit nom Sanus, enfant saint & donné du Ciel, lequel acheveroit de convertir tout le reste de l’Isle & luy succcederoit à l’Episcopat. Ce qui fut accomply quelque temps après, car il nasquit au territoire nommé par ceux du païs Arakl, prés la riviere fameuse, nommée Siennen (1), laquelle donne jusques a la ville de Limbrik (2) ; ce pais de Arakt estant en la Province de Mommoine (3), Comté de Kierri (4), Diocese A’Arlfart (5) ; où encore maintenant, nonobstant la rage des Heretiques Anglois, ce Saint est en grande vénération, & est encore en usage le redoutable serment en leur langue An neorannach Sheanan, lequel serment procède de ce qu’en ce pays-là y avoit une manière de cercle ou collier de fer dont s’estoit servy saint Sané, dans lequel on enfermoit le col de ceux qui faisoient serment en Justice que, s’ils juroient avec vérité, il ne leur faisoit mal quelconque s’ils se parjuroient, il les étrangloit sur le champ &, encore bien que le Breviaire Leonois le dise né en Escosse, il faut remarquer qu’alors & long-temps après Hgbernia & Scotia estoient Synonimes & se prenoient indifféremment l’un pour l’autre, comme a très-bien remarqué Bede, au livre troisième de son Histoire Angloise Thomas Messingham, Auteur recent, en son Préambule aux Vies des Saints d’Hybernie, Hugues Cauello, Archevesque d’Armacan (6), Primat d’Hybernie, & plusieurs autres Autheurs. II. Son Pere s’appelloit Herkan & sa Mere Cogella, gens de bien et moyennez les prodiges qui apparurent à sa nativité donnèrent assez à connoistre ce qu’il seroit un jour & de combien grande Sainteté, car, entr’autres, sa More, estant en travail de luy, au plus fort de ses douleurs, tenant un baston en ses mains pour se soulager, ce baston, quoy que sec & à demy poury, reverdit en ses mains &, d’un coup, poussa feuilles & fruits, au grand estonnement de toute l’assistance d’où les plus sensez & judicieux tirèrent une conjecture que cet enfant, duquel elle s’alloit descharger, devoit estre & fleurir, quelque jour, comme la Palme, & se multiplieroit, dans le partaire de l’Église, tout ainsi que le Cedre du Liban. Si-tost qu’il fut sévré, tout enfant qu’il estoit, il commença à montrer bon visage à l’abstinence, laquelle il chérit particulièrement toute sa vie. Un jour, voyant sa mère déjeuner de bon matin, il la reprit, (avec reverence toutes fois & modestie), luy disant que Dieu avoit ordonné des heures certaines pour donner l’avoine à cet asne (il entendoit pour repaistre ce corps mortel), mais qu’il falloit premièrement songer à nourrir l’Ame, comme la plus noble laquelle reprehension sa mère prit en bonne part, & en fit son profit.
(1) Le Shannon.
(2) Limerick.
(3) Le Munster, primitivement appelé Momonie.
(4) Comté de Kerry.
(5) Ardfeard.
(6) Armacan n’est pas un nom de lieu, mais un adjectif dérivé du nom de la grande métropole irlandaise Armagh.