Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/185

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grand soin à bien & saintement gouverner son Diocese lequel il visitoit souvent, l’instruisoit, et édifioit de sa bonne vie & admirables Sermons. En mesme temps, saint Samson, Archevesque de Dol, faisant sa visite par la Bretagne, où il estoit reconnû Metropolitain de sept Evesques, vint sans bruit, & comme à l’improviste, sur les confins du terroir Vennetois, où l’un des Moynes qu’il avoit à sa suitte luy dist, que saint Patern ne luy voudroit pas volontiers obeïr, ny le reconnoistre pour son Metropolitain ; partant, qu’il perdroit sa peine d’y aller, mais qu’au prochain Synode Provincial il luy falloit l’appeller hastivement pour éprouver son humilité & obedience.

XIII. Le S. Archevesque, ne pensant à mal quelconque, croit ce conseil ; & au, prochain Synode qu’il assembla, manda à S. Patern que sans délay il y vint, tout en tel état qu’il se trouveroit. S. Patern édifioit lors une Église & un petit Hermitage hors la ville de Vannes ; là le vinrent trouver les Messagers de saint Samson, & luy presenterent les lettres comme il se débottoit, ayant encore un pied botté ; il les leut tout sur bout, puis remonte & suivit ces Messagers vers le saint Archevesque. Or, ce Moyne malicieux, qui avoit conseillé S. Samson à faire cette espreuve de l’obedience de saint Patern, le voyant venir botté d’un pied seulement, se prit à rire à pleine teste ; mais le diable le saisit sur le champ, le jetta par terre, & commença à le tourmenter horriblement ; ce que voyant S. Samson & les autres SS. Evesques qui estoient là assemblez, admirans l’obeïssance de S. Patern, le vinrent saluer & le prierent de pardonner à ce miserable, que l’ennemy du genre humain tourmentoit si cruellement ; le saint luy pardonna de bon cœur, &, par sa priere, le delivra.

XIV. À ce Synode se trouverent sept Evesques, sçavoir, saint Samson, Archevesque de Dol, Metropolitain ; saint Malo, Evesque d’Aleth ; saint Brieuc, Evesque de Biduce ; saint Tugduval, Evesque de Treguer, saint Paul, Evesque d’Occismor, & l’Evesque de Cornoüaille, qui tous reconneurent pour Superieur & Metropolitain saint Samson & ses Successeurs Archevesques de Dol, les Evesques de Rennes & Nantes (pourveus à la nomination des Roys de France és Villes tenuës de France, depuis que Clotaire I s’en estoit emparé) se tenans en l’obeïssance de l’Archevesque de Tours. En ce Synode, furent faites plusieurs belles constitutions, pour le reglement & police Eccleslastique, que saint Patern fit exactement observer en son Diocese ; il y fut aussi ordonné que, tous les ans, le premier jour de Novembre, on celebreroit le Synode annuel, pour maintenir & accroistre l’union d’entr’eux & decider les points douteux & difficultez qui se pourroient presenter. Le Synode finy, saint Patern s’en retourna à Vannes, où il commença a mener une vie tres-austere & penitente, se retirant dans ce petit Monastere ou Hermitage, qu’il avoit édifié hors les faux-bourgs de Vannes, n’en sortant que lorsque les affaires de sa Charge Pastorale l’en contraignoient, passant tout son temps en prieres, jeusnes, veilles, austeritez & assistance du prochain.

XV. Dieu permist, pour fournir sujet de merite à sa patience, qu’il fust persecuté de plusieurs, méme de ses propres Religieux ; lesquels, ayant les yeux trop chassieux pour supporter l’éclat de ses rares vertus, commencerent à le traverser, & de telle sorte, que, pour se delivrer de leurs persecutions, estant allé à un Synode, il ne s’en retourna plus à Vannes, de peur qu’il ne tombast en quelque impatience, pour les affronts & mauvais tours que, journellement on luy joüoit ; il quitta donc son Diocese & la Bretagne, & se retira en France, où il s’habitua en un Monastere et y amassa quelques Religieux, avec lesquels il vescut, quelque temps, en grande Sainteté, jusques à ce que, cassé d’années, de vieillesse & d’austeritez, il tomba malade ; &, sentant sa mort approcher, receut ses Sacremens, donna sa sainte Benediction à ses Disciples, puis, loüant & glorifiant Dieu, rendit son heureux esprit és mains de son Createur, le 16. Avril, environ l’an de grace 590.