Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/217

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croyance et les moeurs luy sont agreables, afin que nous sçachions la façon en laquelle il veut estre servy de nous. Le second point est, que ce saint Personnage est certainement en gloire ; que, si vous ne me voulez croire, croyez aux œuvres, afin que vous croyez et connoissiez que Dieu a esté en luy pendant sa vie, par la Foy & les bonnes œuvres, que ce Saint avoit aussi-bien à l’exterieur qu’a l’interieur ; & qu’il est maintenant en Dieu, c’est à dire, confirmé en sa Grace. Ce saint Prestre, qui avoit souvent offert à Dieu les Hosties pacifiques sur l’Autel, est allé luy-mesme faire l’Offrande devant son sublime Trône, les larmes changées en joye & liesse.

« Benist soit Dieu qui a visité son peuple » par le ministere d’un si bon Prestre; &, l’ayant retiré à soy, ne cesse de consoler notre captivité par la souvenance qu’il nous donne de luy ! Son esprit s’éjoüit au Seigneur, parce que, délivré de la pesanteur de son corps, il ne s’arreste à aucune sorte de creature, n’en ayant que faire pour se substanter, puisqu’il est joint à Dieu, & sera éternellement un mesme esprit que luy, de volonté & d’affection. Ayant donc à Canonizer ce Saint, nous le prierons ainsi : « Saint Yves ! la solemnité que nous préparons à vos vertus, nous puisse, par vos mérites, apporter ce fruit ! Que nous ayons les miettes des Graces que le Saint Esprit vous a départy ! vostre vie est une regle des bonnes mœurs ; vostre mort la porte de la vie ; faites-nous participans de ces dons, impetrant de Dieu qu’il mette bien loin de nos cœurs les tenebres d’erreurs & des vices, afin qu’à la fin de cette vie, nous soyons admis en la compagnie des Bien-heureux, avec lesquels nous vous honorons & benissons ! Au nom du Pere & du Fils & du Saint Esprit. Ainsi soit-il ! »

Voilà le Sermon que le Souverain Pontire fit avant la Canonization de saint Yves.

XXXVIII. Le saint Corps ayant est levé de terre, le chef fut séparé & mis dans le Thresor de l’Eglise Cathedrale de Land-Treger, & le reste de ses Reliques dans un beau Sepulchre. Le Duc Jean V, fils du Conquereur, portoit une speciale devotion à saint Yves, par les mérites duquel, ils asseuroit avoir est délivré de plusieurs dangers ; aussi, ce fut luy qui fit construire dans l’Eglise de Land-Treguer, à costé gauche de la Nef, cette belle Chappelle en l’honneur de saint Yves (Communement dire la Chappelle du Duc) de fort belle structure, toute voûtée ; entre laquelle & les pilliers de la Nef, il fit faire un beau vase de pierre blanche, tres-artistement élabouré, dans lequel est le Corps du Saint, &, par dessus, un dôme de même étoffe, d’une exquise architecture ; le tout environné & fermé, de tous costés, d’une cloaison de grilles de fer, qui prennent depuis le pavé jusques à la voûte ; &, par dedans cette closture, tout le Sepulchre, du haut en bas, est environné de rideaux de toille blanche. Le mesme Due, la poursuite & sollicitation de son Confesseur, Reverend Pere Frere Jean le Denteuc, Religieux de l’Ordre des Freres Prédicateurs du Convent de Morlaix, fonda le Convent du mesme Ordre en la Chappelle de la Trinité, près sa ville de Guerrande, Diocese de Nantes, auquel il mist la première pierre, le 16 Mars 1408 (1)[1], &, pour la singuliere devotion qu’il portoit à saint Yves, il voulut que l’Eglise de ce Convent luy fust dediée par Guillaume de Malestroit, Evesque de Nantes, le 16 Septembre l’an 1441.

XXXIX. Ce Prince, ayant esté traitreusement pris par Margot de Clisson, Comtesse de Penthièvre, le treiziesme de Février 1419, & serré prisonnier au Chasteau de Champtoceaux, apprehendant le danger auquel il se trouvoit, se recommanda de bon cœur à Dieu, interposant les merites & prieres de saint Yves, & fit voeu de fonder une Messe quotidienne en l’Église Cathedrale de Treguer, pour estre, tous les jours, celebrée en la Chappelle que, pour cet effet, il promettoit bastir auprès du Sepulchre de saint

  1. Selon la supputation moderne 1409 — A