Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/216

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Dieu se réjoüit de cette Ame et nous incite à joyes : Vous vous réjoüissez, dit-il, & serez joyeux des choses que j’ay crées ; car j’ay creé Israel exaltation & son peuple la joye ; je me réjoüiray en Jerusalem & seray fort joyeux sur mon peuple & en elle ne sera point ouye la voix de clameur[1]. Je m’éjoüiray doncques au Seigneur et seray en liesse en mon Dieu & Sauveur de mon Ame[2]. Vous aussi, Justes, loüez le Seigneur ; éjoüissez-vous en luy, et le loüez, vous ses Saints, petits & grands ensemble ; car quant à moy, je loüeray le nom de Dieu par Cantiques & le magnifieray en loüange, & cela luy plaira plus que si je luy offrois en sacrifice un jeune veau, à qui les ongles et cornes commencent encore à poindre[3].

Car ce Saint Nourrisson de la sainte Eglise a produit des armes dont il a vaincu nos ennemis, qui sont les Heretiques, à sçavoir : la grande continuation & longue durée des miracles, qui servent pour confondre leur obstination, & le fera encore au grand jour du Jugement, à leur éternelle confusion & perdition. Il a aussi produit un grand nombre de diverses vertus, qui servent pour réduire les Catholiques delinquants au droit sentier de la vertu. Il est grand Saint, d’autant que, pendant qu’il estoit en cette vie, son esprit est devenu tres-excellent en œuvres grandes & admirables, selon les quatre qualitez ressemblans aux quatre dimensions d’un corps ; haut envers Dieu en esperance, charité & adoration de latrie ; profond en soy-mesme par une vraye humilité ; large envers son prochain en assistance, & long en toutes vertus par sa continuelle perseverance en icelles. A present, il est Bien-heureux & grand en quatre autres qualitez, qui se rapportent à mesmes dénominations, à sçavoir : haut envers Dieu en amour & charité, profond en sapience & connoissance de la verité ; large de son secours envers nous, & long en une gloire qui n’a jamais de fin. Il est grand Saint d’Israël, c’est à dire, voyant Dieu, & un des Princes de la Cour Celeste ; il est au milieu de nous, pour mieux voir nos necessitez & nous secourir plus promptement par ses prieres. Au second des Macchabées, chapitre 15, Onias, qui avoit esté Grand Prestre, Homme de bien & benin, de regard honneste, modeste en mœurs, agreable en paroles, qui, dés sa jeunesse, s’estoit exercé en la vertu, fut veu, étendant ses mains, prier pour tout le peuple Juif ; & après, apparut un autre homme d’honneur & d’âge près de luy, duquel Onias dit : C’est cettuy-cy qui aime beaucoup les Freres & tout le peuple d’Israël ; c’est cettuy-cy qui prie beaucoup pour tout le peuple de la Sainte Cité, Jeremie le Prophete de Dieu[4] ; lequel fut aussi veu tendant sa main droite, de laquelle il donna un glaive Judas Machab(us, luy disant : Prends ce glaive d’Or, la sainte épée, qui est un don de Dieu, par laquelle tu détruiras les Adversaires de mon peuple d’Israël.

Ainsi Saint Yves impetre pour nous le glaive d’Or, c’est à dire, la Grace divine, pour détruire les embusches & tentations de Sathan ; ainsi il prie beaucoup pour nous tous ; nous ayde promptement en nos necessitez, comme il se voit au procez, duquel resultent trois choses ; la premiere que saint Yves a eu la vraye Foy ; la seconde, qu’il avoit les bonnes œuvres ; la troisiesme, que, par ses merites & intercessions, Dieu a fait de grands miracles en divers temps, pendant sa vie & après son decez ; d’où s’ensuivent nécessairement deux points ; le premier est, que la nature a un Seigneur qui est Tout-Puissant ; qui, par son infinie Sapience, la gouverne, &, par sa toute Puissance, change l’ordre des choses, quand il luy plaist ; &, par sa supreme Bonté, fait des œuvres rares & admirables, afin que, par ces signes visibles, il nous fasse connoistre son Essence invisible ; & fait plusieurs extraordinaires actions, à la requeste de ceux desquels la

  1. Isaye. c 65, v. 18 et 19. A.
  2. Habac. 6. A.
  3. Apoc. 19, Psalm. 68. A.
  4. Mach. 2, c. 15, v. 13. A.