Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/246

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luy commanda, au nom de Jesus-Christ, duquel il estoit serviteur, de se lever ; à laquelle voix le mort obeïssant se leva sur pieds & fut rendu à sa mere, laquelle se jetta aux pieds du Saint, luy demanda pardon de la calomnie qu’elle avoit forgée contre luy, découvrant la malice de ceux qui l’avoient persuadée de l’accuser ; lesquels, s’estant évadez de bonne heure, échapperent la juste punition que le Roy s’estoit resolu de leur faire sentir ; l’enfant aussi, declarant la cause de sa mort ne proceder, en façon quelconque de saint Ronan, le déchargea entierement, au grand contentement des gens de bien, confusion & honte de ses envieux.

VI. Le Roy Grallon, ayant veu ce miracle fait en sa presence, honora fort saint Ronan, comme aussi tous les Seigneurs de sa Cour & le peuple ; duquel s’estant, à grande peine, dépestré, il s’en retourna en son Hermitage, où il estoit si souvent visité par les Kemperrois & autres Habitans de Cornoüaille, que, dans peu de temps, le grand chemin fut ouvert de Kemper-Corentin à son Hermitage. Le Roy mesme, Prince fort Religieux, alloit souvent en propre personne le visiter en son Oratoire, &, ayant receu sa benediction, s’en retournoit fort édifié. Le bon Homme qui l’avoit receu, dés son arrivée, & accomodé de ses necessitez en son Hermitage, ravy des œuvres merveilleuses qu’il faisoit, ne se pouvoit separer de luy ; mais, collé à ses pieds, estoit attentif aux Predications qu’il faisoit au Peuple qui le venoit visiter. Cette maniere de vie ne plaisant pas à sa Femme, elle le tançoit rudement de ce qu’il estoit si faineant, sans se soucier du mesnage ; &, s’en prenant au Saint, fut si effrontée que de l’attaquer & luy dire que c’estoit luy qui avoit charmé son mary & l’avoit rendu si fâcheux. Le Saint patienta les paroles indiscretes de cette insolente femme, taschant de l’adoucir par belles paroles, mais en vain. Un jour, lisant un livre, à la porte de sa Cellule, il apperceut un loup qui entroit dans la forest, portant une brebis en sa gueule ; saint Ronan l’appella & luy commanda de rendre la brebis, ce qu’il fit à l’instant, la mettant en ses pieds, & le Saint la rendit à son maistre ; mesme miracle fit-il à plusieurs autres fois.

VII. Ayant vescu un long-temps en grande Sainteté, en ce sien Hermitage, chargé d’ans & de merites, il changea cette vie mortelle à l’immortelle & fut ensevely en son Hermitage. Depuis, par laps de temps, s’est basty le Bourg, qui, de son nom, s’appelle Loc-Ronan-Coat-Nevent, à la croupe de la Montagne de saint Ronan, où nos anciens Princes Bretons ont reveré & honoré sa memoire par la structure & dotation d’une belle Chappelle, frequentée par les Pelerins de tous les Cantons de Bretagne, qui y viennent reverer ses saintes Reliques ; partie desquelles y sont richement enchassées, le reste estant gardé en l’Eglise Cathedrale de Cornoüaille. L’Hermitage de saint Ronan a esté, un long-temps, habitué par plusieurs personnages signalez en Sainteté, lesquels y ont passé leur vie en solitude, entre-autres Robert, lequel, l’an 1102, fut sacré Evesque de Cornoüaille, aprés la mort de Budik III du nom. De sept ans en sept ans, se fait la Procession qu’ils appellent de saint Ronan, le jour de sa Feste, en laquelle on porte ses Reliques sur un branquart à bras, richement paré, tout à l’entour de sa montagne ; à laquelle Procession se trouve, d’ordinaire, une grande affluence de peuple de tout le pays circonvoisin. Il y a plusieurs Chapelles en Bretagne dediées à ce saint, entr’autres de Loc-Ronan-ar-fancq en Leon, où il y a une Barre Royalle & dont la Paroisse est dediée à saint Ronan, qu’ils nomment Renan.