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LA VIE DE S. KÉ.

s’embarquèrent. Ils n’estoient encore gueres loin du rivage, que cette barge de bled parut sur l’eau & suivit leur navire jusques à la coste de Léon, où le Saint et ses confrères, ayant mouillé l’ancre, mirent pied à terre & se retirèrent au lieu où est, à présent, l’Église Parrochiale de Cleder, où il bastit un petit Monastere (environ l’an 472, sous le règne de Hoël Le Grand I. du nom, Roy de Bretagne Armorique), auquel il mit des Reliques qu’il avoit apportées de son pays & le livre des Évangiles qu’il avoit écrit de sa main. Pendant que la Bretagne Armorique estoit édifiée de la sainte vie, & illustrée de la doctrine de saint Ké, il survint une occasion, qui le fit repasser en l’isle ; c’est que le Prince Modredus (à qui le Roy Artur le Genereux, son oncle, lors qu’il alla aux Gaules, avoit laissé le gouvernement de la grande Bretagne) s’empara du Royaume, espousa la Reyne Gaenaran & contraignit les Princes & Seigneurs de la reconnoistre ce qu’ayant esté mandé à Artur, il laissa la conduite des affaires des Gaules à son neveu Hoël, Roy de la Bretagne Armorique, & repassa en l’isle.

VI. Le Prince Modredus, se doutant bien qu’il seroit attaqué de son oncle, avoit fait alliance avec Cheldric, Duc des Saxons, auquel il avoit promis l’Écosse, pourveu qu’il luy envoyast du secours contre son oncle Artur. Cette alliance, faite par le tyran avec les barbares & idolastres, mit les Prélats en grande perplexité, pour le danger manifeste que couroit la Religion Chrestienne, ce qui leur fit essayer à accorder les Princes ; &, connoissans la sainteté de saint Ké, ils le mandèrent venir devers eux & l’envoyèrent, accompagné de six autres Evesques, vers le Roy Artur, pour le disposer à la paix & à pardonner au Prince Modredus, moyennant quelque raisonnable reparation ; mais, avant que cela se peut conclure, l’armée Saxonne, composée de 800. voiles, parut à la coste de l’Isle, &, nonobstant la valeureuse résistance d’Artur, jetta quatre-vingt mil hommes à terre, auxquels le Prince Modredus se joignit. S. Ké, voyant ne pouvoir rien profiter en cette négociation, & ne pouvant voir la ruine & désolation de son pays, s’en retourna en Bretagne Armorique, &, passant par la ville de Winton, visita & consola la Reyne Guenaran & luy persuada de consacrer à Dieu le reste de sa vie, ce qu’elle fit, se rendant, un peu après, Religieuse. S. Ké arriva enfin à Cleder ; &, y ayant enterré son condisciple l’Hermite Kerianus[1], il tomba luy-mesme malade ; &, ayant devotement receu les Sacremens, il rendit l’esprit à son Createur, le premier samedy d’octobre, environ l’an 495, & fut enterré dans l’Oratoire de son Hermitage, lequel ayant esté ruiné par le malheur des guerres, la mémoire du lieu de sa sépulture se perdit & fut ignorée plusieurs années, jusques à ce qu’il pleut à Dieu la relever, par le moyen d’un habitant de ladite Paroisse de Cleder, nommé Britaliensis lequel fut commandé par un Ange de fouir au costé droit du Cimetiere dudit Cleder & qu’il y trouveroit sept corps, & celuy sous lequel il rencontreroit une source d’eau vive, c’estoit celuy de S. Ké ; & que, lors qu’on le levroit, il se feroit un tremblement de terre ce qui arriva de point en point. Il fut donc solemnellement levé, & mis en un Sepulchre honorable, où plusieurs ont receu du soulagement en leurs infirmitez, ayans réclamé l’assistance de son intercession. Il apparut aussi aux Religieux de son Monastere de Rosené Se les avertit de transferer ses Reliques en sondit Monastere ce qui fut fait. Il y a plusieurs Églises & Chapelles, en l’une & l’autre Bretagne, dédiées à ce saint Prélat, dont le Sepulchre se voit en une petite Chapelle, à luy dédiée, en un coin du Cimetiere de Cleder.

Cette Vie, escrite, en Latin d’assez bon style pour le temps, par un certain Maurice, Vicaire de ladite Église de Cleder, et gardée és Archives d’icelle, en a esté tirée par extrait fidélle, et a moy communiquée par Mre. Sebastien, Marquis de Rosmadec, Comte de la

  1. Patron de la paroisse de Querrien, où l’ignorance lui a fait substituer saint Chéron. A.-H. T.