Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/635

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contre luy, qu’ils animerent presque tout le peuple contre l’Evesque, ne pouvans supporter ses paternelles corrections ; ce qui fit resoudre le saint Prelat à s’absenter pour quelque temps (9). Il s’embarqua au port d’Aleth, ayant recommandé son troupeau au souverain Pasteur, & aborda à la coste d’Aunis, au port de la Rochelle, d’où il alla, à Xaintes trouver saint Leonce, Evesque de ladite ville, qui le receut comme sa Sainteté le meritoit & le vouloit retenir auprés de soy ; mais S. Malo le supplia de luy permettre de se retirer en quelque lieu solitaire pour y mener une vie privée & se disposer à la mort, à quoy son grand âge l’obligeoit de penser serieusement. Saint Leonce luy accorda sa requeste & le congedia, la larme à l’œil, luy donnant l’Église du village de Brie, lieu fort propre à son dessein, où il dressa un Hermitage, y vécut quelque temps avec un rare exemple de sainteté, laquelle Dieu manifesta par quelques miracles ; car la fille d’un grand Seigneur Xaintongeois se divertissant, avec quelques autres damoiselles, en un verger, fut morduë d’un aspic en une jambe, laquelle enfla subitement, de telle sorte, qu’on la jugea incurable ; S. Malo fut appellé pour la consoler, lequel ayant appliqué sur la morsure une feuille verte, arrousée d’eau beniste, & fait le signe de la Croix dessus, tout le venin s’écoula goutte à goutte, & la fille fut entierement guerie. Il rendit la veuë à une femme, nommée Bonne, qui estoit aveugle depuis quatre mois. Il ressuscita un serviteur de saint Leonce, qui s’estoit noyé dans un puits, & fit plusieurs autres miracles.

X. Tandis que la Xaintonge estoit illustrée de la Sainteté de S. Malo, le Diocese d’Aleth estoit autant affligé en son absence (10) : car la peste & la famine, causée d’une grande secheresse qui brûla les bleds & ruïna les maisons, étrangla plusieurs centaines de personnes ; & cette calamité croissant de jour en autre, ils reconneurent que c’estoit une juste punition de leur ingratitude envers le saint Prélat, &, en une assemblée qui se fit en la ville d’Aleth, il fut resolu d’envoyer vers le Saint pour le supplier de s’en retourner en son Evesché : ceux qui furent nommez pour ce voyage l’allerent trouver & s’acquiterent si bien de leur charge, que S. Malo ayant pris delay d’un jour, estant en la ferveur de son Oraison, fut averty par un Ange de s’en retourner avec les députez d’Aleth, pour la consolation de son peuple, & puis aprés qu’il s’en retournast vers son hoste S. Leonce. Le terme du délay expiré, S. Malo declara aux Députez la revelation qu’il avoit euë & sa resolution de s’en aller avec eux, dont ils furent fort aises ; &, ayans pris congé de S. Leonce, ils se mirent en chemin ; &, aussi-tost que S. Malo entra en Bretagne, l’air se purgea, &, tout à coup, la peste cessa dans tout l’Evesché d’Aleth, & les ports & havres furent remplis de vaisseaux chargez de bleds & autres vivres, en telle abondance, que la famine fut entièrement chassée (11).

XI. Le saint Prélat, arrivé en son Diocese, fut receu partout avec une grande allegresse ; mais specialement en la ville d’Aleth, dont le Clergé & le peuple luy vinrent bien loin au devant, luy demanderent pardon de leur faute & le conduisirent en l’Église ; nôtre Saint, oublieux des injures receuës, leur pardonna & leur donna sa Benediction, & commença, de rechef, à veiller sur son troupeau, visitant en personne toutes les Paroisses de son Diocese, preschant infatigablement son peuple & se comportant, en toutes ses actions, comme vray Pasteur. Mais, se souvenant du commandement qu’il avoit receu du Ciel de s’en retourner en Xaintes vers saint Leonce, il prit congé de ses Diocesains & s’embarqua au port d’Aleth, pour aller en Xaintonge, où il fut receu de son ancien amy saint Leonce ; lequel, connoissant qu’il estoit plus porté à la retraite &