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Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/636

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solitude qu’au séjour de la ville, luy fit don de l’Église &,village d’Archambray, où il se retira avec quelques jeunes clercs vertueux qu’il avoit amenez de Bretagne, avec lesquels il vivoit en commun & passoit les jours & les nuits en Oraison & contemplation, se disposant, par ces religieux exercices, à passer de ce siecle à la vie immortelle, ce qui arriva peu aprés, car, estant rompu & cassé de vieillesse, de travaux, fatigues & austeritez, il fut saisi d’une violente fiévre, laquelle le mit si bas qu’au troisiéme jour il supplia saint Leonce de le venir voir, ce qu’il fit, & luy ayant administré les saints Sacremens, il rendit son heureux esprit à son Createur, le quinzième jour de novembre l’an de grace 612. & le 110. de son âge (12). S. Leonce fournit liberalement aux frais de ses obseques & y fit l’Office, &, de plus, fit bastir, à ses frais, une fort belle Chapelle sur son Tombeau, où son Corps a esté illustré de grands miracles.

XII. Le Clergé & le peuple d’Aleth, avertys de la mort de leur Saint Pasteur, deputerent deux de leur Corps pour aller devers S. Leonce le prier de leur livrer le Corps du Saint pour le porter enterrer en sa Cathedrale ; mais ils ne pûrent rien obtenir, le peuple ne se voulant désaisir de ce riche dépost, lequel leur demeura, jusqu’au temps du premier de nos Ducs, Alain (surnommé Re bras) que quatre freres d’une noble famille en l’Evesché d’Aleth estant entrez en picques sur leur partage, les trois cadets, ne pouvans supporter l’avantage que la coustume du pays donnoit à leur aisné, se resolurent de le tuer & puis partager également leur heritage, leur aisné (13) fut averty de leur intention & ayma mieux vivre en seureté en pays estranger que d’estre en danger continuel en son pays, de sorte qu’il quitta la Bretagne & alla à Xaintes, où il contracta amitié avec le Sacriste de l’Église où estoit le Corps de saint Malo, lequel le receut & logea en sa maison, & se fioit tant en luy, que, lorsqu’il alloit en quelque part, il luy laissoit toûjours les clefs des Reliques & du Tresor. Nôtre gentil-homme, ayant passé quelques années chez ce sacriste, luy demanda congé d’aller faire un tour au pays, pour voir ses parens & amis, ce qu’il obtint, à la fin, par importunité, à condition, toutefois, de ne tarder gueres, mais s’en retourner au plûtost. Estant arrivé à Aleth, il alla trouver l’Evêque qui s’appelloit Bili(14), auquel il dit en secret, qu’il étoit en son pouvoir d’apporter les Reliques de S. Malo en son Église, & luy discourut si pertinemment des moyens qu’il avoit pour luy mettre entre mains ce Tresor, que l’Evêque, de l’avis de ses Chanoines, l’exhorta à poursuivre son entreprise, & que, s’il en pouvoit venir à bout, outre l’obligation qu’il gagneroit sur ses citoyens, & le service qu’il rendroit à sa patrie, il l’accorderoit avec ses Freres & le mettroit à son aise. Le gentil-homme leur promit de le faire, & s’en retourna au pays Xaintongeois, où il fut bien reçu du Sacriste, son Hoste ; lequel, ayant quelque voyage à faire, laissa, à son ordinaire, les clefs des Reliques & du Tresor à notre Breton, qui, se voyant une si belle occasion de faire ses affaires, ne perdit pas le temps ; mais, s’étant disposé, par un jeusne de trois jours, suivi d’une Confession & Communion, il se leva une nuit, & ayant reveremment ouvert la Chasse, il en tira les saintes Reliques, & les mit reveremment en un linceul blanc, puis referma la Chasse & la remit en son lieu, mit les clefs en l’armoire dans la sacristie, &, d’un bon matin, monta à cheval & ne cessa de picquer qu’il ne se vist en Bretagne. Le sacriste estant arrivé au logis, fut bien étonné de ne trouver plus son Breton ; mais il ne se pût si-tost apercevoir de la perte des Reliques, voyant tout estre en ordre en sa Sacristie. Cependant, le gentil-homme, estant arrivé à Rennes, envoya un homme exprés vers l’Evêque & le Chapitre d’Aleth, qui preparerent une solemnelle entrée aux Reliques de leur saint Prélat & ordonnerent que,