Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/725

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pour le Monastere de Land-Tevenec, que le Roy Grallon fonda quelque temps après. Ce pieux prince, non content des dons qu’il avoit faits au saint Evesque, fonda la Cathedrale, arrenta nombre de Chanoines ; &, pour laisser la Ville libre à saint Corentin, il en retira sa Cour & la transfera en la fameuse ville d’Is.

V. Saint Corentin, considerant que cette nouvelle dignité requeroit de luy une nouvelle sollicitude, commença, à bon escient, à cultiver son Diocese il confera les saints Ordres à bon nombre de vertueux personnages, lesquels il instruisoit pour les faire Recteurs de son Diocese, lequel il visita & distribua par paroisses & trêves, preschant partout d’une ardeur & zèle admirables, non moins d’exemple que de vive voix, n’ayant relasché rien de ses austeritez ordinaires. Ayant saintement gouverné son troupeau quelques années, Dieu le voulut recompenser de ses travaux & luy envoya une maladie, qui l’affoiblit tellement, que, prévoyant l’heure tant désirée s’approcher, il fit venir tous ses Chanoines & Religieux, &, les ayant exhortez à l’Amour de Dieu & perseverance en leur vocation, il receut, en leur présence, ses Sacremens puis, leur ayant donné sa benediction, il rendit son Ame beniste és mains de son Createur, le 12. Decembre l’an 401. Son Corps lavé fut revêtu de ses Ornemens Pontificaux & porté dans son Église Cathedrale & son décez estant sceu par le Pays circonvoisin, il se rendit une si grande affluence de peuple à Kemper-Odetz, pour voir son saint Corps & le baiser, qu’on ne le pût si-tost enterrer qu’on s’estoit proposé les malades y alloient & estoient guéris ; les muets, sourds, boëteux, aveugles y receurent l’usage de leurs membres ; les demoniacles y furent délivrez, & plusieurs autres miracles s’y firent en témoignage de sa sainteté. Le Roy Grallon, qui s’estoit rendu à Kemper-Odetz, quand il eut avis de sa maladie, assista, avec sa cour, à son enterrement, qu’il fit faire avec autant de pompe & magnificence, que si c’eust esté pour luy mesme, & défraya le tout ; il fut ensevely dans le Chœur de sa Cathedrale, devant le grand Autel, où Dieu a fait plusieurs miracles par son intercession, aucuns desquels nous rapporterons icy, à la gloire de Dieu & de son Saint, duquel la mémoire fut si douce à ses citoyens, qu’ils donnèrent son Nom à leur Ville, l’appelans KEMPER-CORENTIN, & non plus KEMPER-ODETZ.

VI. Une damoiselle, ayant receu quelque faveur par les mérites & intercessions de saint Corentin, fit vœu d’offrir quelque quantité de cire à son Église, & vint rendre son vœu ; comme elle s’approcha de l’Autel pour l’y présenter, le diable la tenta de le retenir, ce qu’elle fit ; mais la miserable fut punie sur le champ car la main qu’elle avoit tirée se ferma si fort, que, quelque effort qu’elle fit, elle ne la pût ouvrir ; se voyant punie de la sorte, elle s’en retourna au logis fort désolée, suppliant S. Corentin de luy impetrer l’usage de la main. Une nuit qu’elle prioit de grande ferveur, S. Corentin luy apparut, glorieux & resplendissant, & luy dit « Ma fille, quand vous aurez promis quelque chose à Dieu, ou à ses serviteurs, ne vous en dédites pas, mais accomplissez-le gayement allez demain à mon Église & priez devant mon tombeau, & vous recevrez guerison. » Le lendemain, la femme alla prier au Sepulchre du Saint, où s’estant endormie, S. Corentin lui apparut de rechef & luy dit qu’elle estoit guérie ; elle, se réveillant là dessus, se trouva avoir le maniement de sa main libre, dont elle rendit graces à Dieu & à saint Corentin. Il apparut à un larron & le frappa de Paralysie, dont il ne pût jamais estre guery, qu’il n’eut restitué ce qu’il avoit dérobé. Quelques méchans, estans entrez de violence dans la maison d’un honneste Personnage, l’enfermèrent dans un coffre, à dessein de l’y laisser mourir de faim ; ce pauvre homme eut recours à Dieu par l’entremise de S. Corentin, lequel parut en la chambre, tout éclatant & glorieux, &, du bout de sa Crosse, leva la serrure de ce coffre & délivra ce pauvre homme, qui, de ce pas, alla à son Église remercier Dieu & son serviteur saint Corentin. L’an de grâce 1018, Alain Caignard, comte de Cornoüaille, pensa devenir aveugle, à cause d’une