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mais dans le tableau qu’il fait des vices de sa propre époque) et déclare qu’il rachète ce défaut par un ton de bonne foi et de franchise bien propre à lui gagner des suffrages.

Évidemment je ne puis reproduire ici ni ce texte, ni sa traduction ; qu’il suffise de constater l’accord du récit d’Albert Le Grand avec celui du premier historien de saint Corentin les seules différences viennent de la simplicité d’Albert qui attribue toujours aux siècles même les plus reculés, les mœurs et le langage de son temps.

Pour en revenir à l’anonyme du IXe siècle, je dirai encore : Personnellement je suis porté à trouver valables les raisons que Dom Plaine invoque en sa faveur, mais la bonne foi me fait un devoir d’ajouter que M. de la Borderie ne fait pas grand fond sur ce document. Il ne le fait remonter qu’au XIIIe siècle[1] et y relève certains détails qu’il regarde comme des impossibilités historiques ; exemple « Saint Martin était mort depuis un siècle (lors de l’arrivée de saint Corentin à Tours). — Son successeur, en qualité de métropolitain, avait le droit de confirmer l’élection épiscopale faite par le peuple et le clergé d’un diocèse dépendant de sa métropole, nullement celui d’en élire l’évêque. Quant à la dignité abbatiale soi-disant conférée par Corentin à Gwennolé et à Tudi, en ce qui touche le premier du moins, rien de plus faux. Gwennolé fut institué abbé par son maître saint Budoc quand celui-ci mit sous sa direction onze moines de Lavré. Il était abbé avant l’épiscopat de Corentin et contribua beaucoup plus à faire celui-ci évêque que Corentin à le faire abbé. »

SAINT CORENTIN À PLOMODIERN (A.-M. T.).


Très peu favorable à notre légendaire en ce qui concerne l’épiscopat de saint Corentin à son début, l’historien de la Bretagne est moins sévère pour la partie qui concerne la vie du solitaire au Ménez-Hom, et il en admet le fond comme croyable, mais là où je me sépare tout à fait de M. de la Borderie c’est quand il explique le miracle du poisson mutilé tous les jours et toujours vivant. « C’est simplement, dit-il, une figure de l’Eucharistie, car chez les anciens chrétiens le poisson (ΙΧΥΣ en grec) est le symbole du Christ. » M. l’abbé Guillotin de Corson s’est empressé d’admettre cette explication, et j’avoue que je ne puis comprendre qu’on s’y soit arrêté. Ce symbole du Poisson figure de Jésus-Christ, symbole si familier aux chrétiens de Rome, au temps des persécutions, rien absolument ne l’indique comme ayant été connu des chrétiens d’Armorique ni au temps de saint Corentin, ni au temps de son légendaire, que celui-ci soit du IXe ou du XIIIe siècle.

Que le miracle quotidien du poisson soit réel ou soit faux, pensez-en ce que vous voudrez, mais renoncez à l’expliquer.

LE PLUS ANCIEN DOCUMENT RELATIF À SAINT CORENTIN (A.-M. T.).


Au tome III de l’Histoire de Bretagne, p. 321, nous lisons « Dans un des chapitres en vers de la Vie de saint Gwennolé, il y a un bel éloge de Corentin auquel sont associés et le roi Gradlon et le fondateur de Landevenec ; c’est aujourd’hui le plus ancien texte concernant le premier évêque de Corisopitum, en voici la traduction :

« Comme ils brillaient d’une triple lumière les sommets de la Cornouaille, quand ces trois grands hommes — Gradlon, Corentin et Gwennolé — y tenaient le premier rang ! —Gradlon

  1. En se basant sur cette particularité Au § XVI il est question de fil de soie en peloton mis en vente et volé sur le marché de Quimper ; or, la fabrication de la soie en France, par conséquent la vente du fil de soie sur les marchés de Bretagne n’est certainement pas antérieure au VIIIe siècle. Francisque Michel prouve même par des faits que la soie était encore très rare en France en 1315. — À cela l’on peut répondre que Dom Plaine lui-même reconnaît les $ XVI, XVII et XVIII comme n’étant pas antérieurs à l’époque désignée par M. de la Borderie, car le fait qui y est raconté s’est produit lors de la consécration de la Cathédrale, fixée par Dom Plaine au XIVe siècle.