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LA VIE DU BIEN-HEUREUX S. BIEUZY.

où ledit saint Gildas faisoit tant de Miracles, qu’une quantité innombrable de personnes de tout sexe & qualité y abordoient, en sorte que ce bon Saint n’avoit pas une heure depuis qu’il étoit jour pour prier, voire mesme pour prendre sa refection. Sa vie tressainte & austere le faisoit coucher dans le rocher de la Chapelle, là où il entroit par une fenestre assez proche du Maitre Autel, (laquelle a esté depuis peu fermée) dans lequel rocher il prenoit son repos, & vacquoit après continuellement sans estre veu, ny de ses disciples ny du peuple, & arriva qu’un jour qu’il se trouvoit incommodé en sa santé, ayant celebré la Sainte Messe, d’un grand matin, il se trouva fort alteré en sortant de son Église pour aller boire à la fontaine, qui en estoit fort proche, le bon Saint rencontra déjà tant de peuple qui tous le vouloient avoir pour parler à luy, qu’il s’oublia de suivre son dessein, préférantpour l’amour de Dieu à conferer avec tout ce peuple pour leur instruction, que d’aller à la fontaine qui n’étoit pas à dix ou douze pas de luy, de façon que cette alteration & le long discours qu’il eut avec tout ce peuple, luy causa la fiévre, laquelle le pressant, il fut contraint de se retirer dans sa Cellule par la fenestre cy-devant dite, où ses disciples le venant visiter, & luy ayant dit qu’il y avoit encor plus de peuple que devant, qui le demandoit, il fit sa prière qui fut exaucée, car à l’instant ce grand rocher qui le couvroit, se fendit, en sorte qu’il trouva passage pour monter par iceluy jusques au haut de la montagne, (ce qui se voit maintenant audit rocher) d’où étant sorti il rendit graces à Dieu de ce qu’il luy avoit donné le moyen de se retirer hors du tumulte de tant de peuple, pour avoir lieu de vacquer à sa prière & méditation hors du bruit, ce qu’il continua du depuis lorsqu’il étoit trop pressé de peuple, car personne ne sçavoit la grâce que Dieu luy avoit faite, non pas mesme ses disciples, qui le croyoient dans sa Cellule, qu’il étoit à rendre graces à Dieu au haut de sa montagne.

II. Or arrivant que ce bon Saint fut appellé de Dieu à refaire l’Abbaye de S. Gildas, dans le territoire de Rhuys, prés de la mer, il laissa dans son Hermitage, à l’instante prière des nobles & autres paroissiens dudit lieu le bon saint Bieuzy, l’un de ses disciples, lequel journellement faisoit infinis Miracles, signamment pour le mal de la rage aux hommes & autres animaux, en sorte que leur Recteur étant decedé, les paroissiens d’une commune voix le demandèrent à l’Evesque de Vennes, pour tenir sa place, & le leur donna.

III. Le bon Saint faisoit sa charge de Pasteur fort exactement. Un jour de Feste qu’il étoit prest à dire la Sainte Messe, un serviteur d’un Gentil-homme voisin proche, qui toutefois n’étoit pas de sa paroisse, luy vint dire que son Maître le mandoit de venir tout à l’instant pour guerir ses chiens qui étoient tous enragez dés la nuit précédente, & qu’il n’y eust point de manque, que tout à l’heure il fust allé trouver son Maître, auquel nôtre bon Saint luy répondit qu’il luy falloit dire la Messe au peuple qu’il l’attendoit pour cét effet, mais qu’incontinent après il iroit trouver son Maître, ce que le valet ne trouva pas bon, car jurant & blasphemant, il luy dit que s’il manquoit d’y venir, son Maître viendroit le chercher, qui le feroit bien marcher, le bon Saint luy dist qu’il falloit servir Dieu premier que les hommes, & qu’il ne bougeroit pas de son Église qu’il n’eût parachevé ce qu’il alloit commencer, qui étoit son service Ecclesiastique de la Solemnité du jour, mais qu’incontinent après qu’il se seroit acquité de son devoir, tant envers Dieu que ses paroissiens, il se trouveroit au logis de son Maître. Cette réponse n’étant pas agréable au valet qui s’en retourna en colère, alla dire à son Maître que le Moyne n’avait pas daigné venir & tout plain de paroles contre ce bon Saint, qui émeurent tellement ce Gentil-homme, qui d’ailleurs étoit tres vicieux, que sa colère le transporta si fort, qu’il vint en furie accompagné de grand nombre de mauvais garnimens qu’il avoit à sa suite, jusques au lieu où étoit ce bon Saint qu’il trouva à l’Autel qui