Page:Le Grand Meaulnes.djvu/188

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nuages, lorsque j’étais sur la route, dans la voiture de La Belle-Étoile.

— Sur quelle route ? demanda Jasmin.

Mais Meaulnes ne répondit pas.

— Moi, dis-je, pour faire diversion, j’aurais aimé voyager comme cela en voiture, par la pluie battante, abrité sous un grand parapluie.

— Et lire tout le long du chemin comme dans une maison, ajouta un autre.

— Il ne pleuvait pas et je n’avais pas envie de lire, répondit Meaulnes, je ne pensais qu’à regarder le pays.

Mais lorsque Giraudat, à son tour, demanda de quel pays il s’agissait, Meaulnes de nouveau resta muet. Et Jasmin dit :

— Je sais… Toujours la fameuse aventure !…

Il avait dit ces mots d’un ton conciliant et important, comme s’il eût été lui-même un peu dans le secret. Ce fut peine perdue ; ses avances lui restèrent pour compte ; et comme la nuit tombait, chacun s’en fut au galop, la blouse relevée sur la tête, sous la froide averse.

Jusqu’au jeudi suivant le temps resta à la pluie. Et ce jeudi-là fut plus triste encore que le précédent. Toute la campagne était baignée dans une sorte de brume glacée comme aux plus mauvais jours de l’hiver.

Millie, trompée par le beau soleil de l’autre semaine, avait fait faire la lessive, mais il ne fallait pas songer à mettre sécher le linge sur les haies du jardin, ni même sur des cordes dans