Page:Le Grand Meaulnes.djvu/189

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le grenier, tant l’air était humide et froid.

En discutant avec M. Seurel, il lui vint l’idée d’étendre sa lessive dans les classes, puisque c’était jeudi, et de chauffer le poêle à blanc. Pour économiser les feux de la cuisine et de la salle à manger, on ferait cuire les repas sur le poêle et nous nous tiendrions toute la journée dans la grande salle du Cours.

Au premier instant, — j’étais si jeune encore ! — je considérai cette nouveauté comme une fête.

Morne fête !… Toute la chaleur du poêle était prise par la lessive et il faisait grand froid. Dans la cour, tombait interminablement et mollement une petite pluie d’hiver. C’est là pourtant que dès neuf heures du matin, dévoré d’ennui, je retrouvai le grand Meaulnes. Par les barreaux du grand portail, où nous appuyions silencieusement nos têtes, nous regardâmes, au haut du bourg, sur les Quatre-Routes, le cortège d’un enterrement venu du fond de la campagne. Le cercueil, amené dans une charrette à bœufs, était déchargé et posé sur une dalle, au pied de la grande croix où le boucher avait aperçu naguère les sentinelles du bohémien ! Où était-il maintenant, le jeune capitaine qui si bien menait l’abordage ?… Le curé et les chantres vinrent comme c’était l’usage au-devant du cercueil posé là, et les tristes chants arrivaient jusqu’à nous. Ce serait là, nous le savions, le seul spectacle de la journée, qui s’écoulerait tout entière comme une eau jaunie dans un caniveau.