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VI
AVANT-PROPOS

de trois mois en Basse-Bretagne, à Sainte-Marine, vis-à-vis de Bénodet, près de Quimper. Et le Maître habita parmi nous.

Il venait là dans l’intention formelle d’y poursuivre la série des Rougon-Macquart. Il venait en Bretagne faire un roman breton, une étude bretonne, une « synthèse » bretonne. Seul, avec sa femme, dans cette maison des bords de l’Odet, transformée en château aujourd’hui, Zola, voisin de l’Océan, se mit à l’œuvre.

Il avait apporté son bagage ordinaire de notes, de documents. De plus, le Ministère de l’Intérieur s’empressait de lui communiquer, par la voie postale encombrée, des monceaux de statistiques. Rapports officiels et médicaux, statistiques sur la consommation de l’alcool, sur la progression de la criminalité, de l’aliénation mentale, le dossier était complet.

Et quel dossier précieux ! Quel fumier à remuer ! Les narines palpitantes, le Maître se délectait à l’avance. Cette Bretagne bondieusarde et sale, livrée à l’ivrognerie et à la superstition, il allait la coucher sur sa table anatomique, et fouiller dedans avec son bistouri de carabin mécréant.

Mais, pour se documenter à fond, il fallait voir de près ce peuple, se mêler aux foules, tout voir et tout