Page:Le Koran (traduction de Kazimirski).djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332 LE KORAN.  
    qu’ont fait d’autres que Dieu. Oui, les méchants sont dans un égarement évident.
  1. Nous donnâmes à LOKMAN[1] la sagesse, et nous lui dîmes : Sois reconnaissant envers Dieu, car celui qui est reconnaissant le sera à son propre avantage. Celui qui est ingrat, Dieu peut s’en passer. Dieu est riche et plein de gloire.
  2. Lokman dit un jour à son fils[2] par voie d’admonition : O

  1. Lokman, dont il est parlé ici, est un personnage renommé par sa sagesse parmi les Arabes ; c’est pourquoi on joint toujours à son nom l’épithète de al-hakim (le sage). Parmi les faits relatifs à l’histoire des Arabes avant Mahomet, on trouve que les Adites, peuple d’Arabie, souffrant de la sécheresse, avaient envoyé un message au temple de la Mecque pour implorer la pluie. Parmi ces délégués était un certain Lokman ; mais les commentateurs ont soin de faire observer que ce Lokman ne doit pas être confondu avec le personnage nommé dans le Koran. Celui-ci, disent-ils (et cela, comme il arrive toujours, sans citer aucune autorité à l’appui), était fils de Baoûra, fils de Job ; il vécut mille ans et atteignit ainsi les temps de David, dont il apprit la sagesse. Avant ce temps-là, il donnait des consultations en matière de droit. Dieu, ajoutent d’autres, lui avait donné à choisir entre le don de la prophétie et celui de la sagesse, et c’est cette dernière qu’il aurait choisie. Une autre tradition, conservée chez les poëtes, nous apprend que Dieu lui avait accordé un âge égal à celui de la vie successive de sept faucons, ce qui le porterait à cinq cent soixante ans. Ceux qui le disent contemporain de David ajoutent que Lokman, voyant David travailler à une cotte de mailles (voy. chap. XXI, 80, et XXXIV, 10), voulut l’interroger sur ses procédés, mais que, fidèle à son esprit de sagesse, il se tut, et, à force d’attention, reconnut que Dieu rendait le fer ductile comme de la cire entre les mains de David. Tous ces détails, desquels il serait oiseux de vouloir rechercher l’origine et l’authenticité, font de Lokman un modèle de discrétion, de politesse, de réserve, et le passage du Koran qui nous occupe leur sert d’appui. On sait qu’il existe en arabe un recueil de fables qui porte le nom de Lokman le Sage. L’analogie que l’on remarque entre les sujets de ces fables et ceux des apologues attribués à Ésope ferait conclure à l’identité des deux personnages. A l’appui de cette hypothèse viendrait la caractéristique de Lokman, rapportée par les écrivains orientaux. Lokman était, disent-ils, un noir du pays des noirs d’Égypte, et esclave ; selon d’autres, il était charpentier, tailleur, cordonnier, pâtre. Un jour que quelqu’un avait l’air de le regarder avec dédain à cause de sa couleur et de ses lèvres épaisses, il aurait répondu que son visage était noir, mais que son cœur était blanc (pur), et que ses grosses lèvres distillaient des paroles subtiles. On raconte aussi qu’il avait apporté des langues quand on lui demandait ce qu’il y avait de meilleur au monde, et puis encore des langues quand on lui demandait ce qu’il y avait de pire. On veut enfin, dans le nom de son fils Anaam, voir Ennus, fils d’Ésope. Nous ne nous arrêterons pas à discuter la valeur de ces faibles indices de l’identité de ces personnages. Nous appellerons plutôt l’attention du lecteur sur la manière dont Mahomet cherche à s’emparer de tous les noms célèbres de son temps, parmi les Arabes, et met dans la bouche de ces personnages la profession de foi unitaire et musulmane.
  2. Dont le nom était Anaam, comme on vient de le dire dans la note ci-dessus.