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Chanson lyonnaise :

Le père, le fils et le gendre
Sont trois jean-f… ensemble.

Je n’ai jamais su que ces deux vers de cette chanson, mais ils sont très beaux.

GENDRESSE, s. f. — Belle-fille. L’expression ma bru est inconnue. On croirait que c’est un euphémisme pour dire ma brute. — Gendresse est de l’ancien français.

GÊNE, s. m. — Marc de raisin qui a été pressé. De mon temps, on n’avait point le biais de mêler de la castonnade au gêne pour faire du faux vin, qu’on vend comme le vrai. On en faisait pur t’et simplement de la buvande. — Subst. verbal de gehenner, gener, primitivement torturer, puis presser, serrer. « Et plus que ses voisins, — Dans son pressoüer gennera de raisins, » dit le bon Ronsard.

GÉNÉRALE. — Battre la générale, Détrancaner, divaguer.

GÊNES. — Être dans l’État de Gênes, Habiter l’État de Gênes. Mauvais calembours usités pour dire de quelqu’un qu’il n’est pas millionnaire.

GENEVOIS. — Prov. Genevois, quand je te vois, rien je ne vois. Cela ne me paraît avoir été inventé que pour la richesse de la rime.

Si te vois un Genevois que saute par la fenêtre, saute après lui, y a de l’argent à gagner. Ceci est près de la vérité. Les Genevois passent avec raison pour actifs et très industrieux. Pourtant, mon arrière-grand-père maternel, Pierre-Aymé Durafor, était Genevois, et je ne me suis jamais aperçu que j’en fusse plus industrieux.

Un Genevois vaut quatre Juifs. Manière d’indiquer combien ils sont forts en affaires, puisqu’un Israélite est déjà très fort.

GÊNOISE, s. f. — Corniche faite de plusieurs rangs de tuiles maçonnées, en saillie les uns sur les autres. Je n’ai pas remarqué à Gênes de corniche de ce genre.

GENOU. — Ce couteau coupe comme le genou de ma grand’, … comme le mollet de ma grand’. — L’antithèse serait plus marquée si l’on disait comme le genou d’une grosse dondon.

GENTIL, ILLE, adj. — L’Académie dit : « Joli, agréable, gracieux. » Le peuple lyonnais apprécie tellement les qualités travailleuses qu’il dit : Gentil, « Laborieux ». Être laborieux, pour nous, c’est tout ce qu’il y a de plus « agréable » et de plus « gracieux ». Qu’elle est gentille, cette Parnon ! toujours à passer sa navette avant cinq heures. — Cependant, s’il s’agit de petits enfants qui, par nature, ne peuvent développer les qualités laborieuses, nous employons l’acception ordinaire. C’est ainsi que nous disons : Gentil comme cinq sous ; Gentil comme un petit écu. C’est l’éloge que me donnait ma mère quand j’étais bien sage.

Nous avions une bonne qui répétait tout ce qu’elle entendait en l’estropiant. Or, une amie de ma mère avait eu un enfant splendide. La bonne l’alla voir. Quand elle revint : Eh bien, Marie, dit ma mère, comment avez-vous trouvé le petit de Mme D… ? — Oh, Madame, il est gentil comme un petit c… !

J’entendais un jour deux mariniers (c’est le corps d’état qui a le mieux conservé l’ancien parler lyonnais) : Et lo pitit Piarre ? — Oh, il est gentil, ce pitit, est-i gentil ! I n’a que cinq ans ; ça dit bogre à sa môre comme un homme ! — Sa-t-y prayi Diu ! — Oh, l’est incore trop juéne !

Le sens propre de ce mot n’est pas joli, agréable. Un gentilhomme n’est pas joli homme, mais un homme de race, gentilis, de gens, race. L’emploi que les Lyonnais font de gentil est conforme au sens primitif et mériterait d’être conservé.

GEORGET, s. m. — Habitant du quartier Saint-Georges.

GERLE, s. f. — Cuvier pour la lessive. — De gerula, déjà employé par les Latins, avec le sens de ce qui contient les liquides : cornua potuum gerula.

GERLOT, JARLOT, s. m. — Petit baquet, petite seille. On se sert du jarlot pour vendanger, pour prendre des bains de pied. Au fig. Chaire à prêcher. Quand le capucin, avè sa grand’barbe, est monté dans le jarlot, on aurait entendu peter une mouche.

GIBECIÈRES, s. f. pl. — Se dit quelquefois de certains appas dont la fermeté laisse à désirer.