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le lyon de nos pères

été jetés dans le courant. Le souvenir de la fête du Cheval fol qui commençait à cet endroit et la foire qui s’y perpétue chaque année à la Pentecôte nous ramènent à des idées moins lugubres.

Toute cette rive, depuis le pont du Rhône jusqu’au port Charlet, forme un quartier bas, humide, aux rues sales et puantes, fréquemment inondé, et habité par une population misérable.

Entre les courtines et la rue Bourgchanin (rue de la Barre et rue Belle-Cordière), sauf à la descente du pont, ce ne sont guère que de chétives masures à demi enterrées du côté du rempart par l’exhaussement du sol, avec des courtils sur le derrière, et servant d’auberges pour les muletiers ou de logements à des artisans. Il y avait là, autrefois, un lieu mal famé, les étuves de la Chèvre, qui a disparu depuis plus d’un siècle. La confrérie des épiciers et apothicaires possède cette maison portant l’enseigne de la Magdeleine, du nom de cette confrérie, établie de toute ancienneté dans l’église de l’Hôtel-Dieu ; le jardin de cette maison sera, en 1672, converti en un cimetière dit de Lorette, pour servir à l’inhumation des pauvres. — Une étroite et très ancienne rue limite ce tènement au flanc méridional de l’église du Grand Hôpital : c’est la rue de la Serpillière ou des Tripiers, premier tronçon de la via mercatoria du moyen âge, qui se continue vers la place de Confort et la rue Mercière. Après avoir traversé en biais la presqu’ile, cette rue venait aboutir, au bord du Rhône, à un port, où se trouvait un bac, et servait ainsi d’entrée à la ville. C’est entre la rue de la Serpillière et la chapelle du Saint-Esprit, que la confrérie des Pénitents Bleus de Notre-Dame de Lorette fera construire, en 1658, son premier oratoire, acquis en 1716, avec les terrains contigus, par l’administration hospitalière quand celle-ci voudra élever de nouveaux bâtiments au midi et créer le long du Rhône sa façade monumentale.

Le « Grand Hostel-Dieu de Nostre-Dame-de-Pitié du pont du Rhosne », — qui rappelle aux étrangers le souvenir de François Rabelais, son médecin de joyeuse mémoire, — vient de subir une transformation presque complète. On a pris pour modèle l’hôpital de Milan. Les constructions nouvelles ont la forme d’une croix grecque, de cinq cent soixante pieds de longueur, contenant quatre immenses salles, deux pour les hommes, deux pour les femmes, et dans chacune desquelles s’alignent trois rangées de lits. Au centre de la croisée, s’élève un dôme de trente-six pieds de diamètre (le Petit Dôme actuel}, recouvert en plomb et flanqué de quatre élégantes tourelles. Sous la coupole de ce dôme, où viennent converger les salles et qui leur sert de ventilateur, est dressé un autel, qui peut être vu des rangs les plus éloignés. Il y a, en outre, un quartier pour les enfants exposés, un autre pour les adoptifs, et, le long de la courtine du Rhône, un bâtiment pour les convalescents. Au couchant, un cloitre à galerie ouverte, entourant la cour d’entrée, qui s’ouvre sur la Grande-Rue de l’Hôpital, donne accès aux différents services : économat, pharmacie, archives, logement des prêtres et du chirurgien, greniers, caves, entrée latérale de la nouvelle église. — Celle-ci remplace la chapelle de la Résurrection, devenue insuffisante, qui avait existé plus de deux cents ans ; elle s’élève au midi, le long de la rue de la Serpillière, sur l’emplacement de hôpital primitif. Mais elle est encore inachevée ; le cardinal-archevêque Alphonse de Richelieu en a posé la première pierre le 13 décembre 1637, et la construction se poursuit lentement, sous la direction de l’architecte Guillaume Ducellet. Le chœur et les deux premières chapelles de la nef sont entièrement terminés ; les six autres chapelles s’élèvent peu à peu, grâce aux libéralités des marchands drapiers, de la confrérie de Notre-Dame-de-Pitié et d’un grand nombre