Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/228

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Grands dieux ! Et votre époux vous immole aujourd'hui !

Quoi ! Vous ne l'aimiez point, et vous mourez pour lui !

Son trépas rompt le cours de vos jeunes années ;

Il dévore en un jour toutes vos destinées : [330]

Votre bûcher dressé sous cet horrible ciel,

Va servir de trophée aux mânes d'un cruel ;

Le sort vous en délivre, et sa faveur est vaine !

La Veuve

Ta plainte l'est bien plus.

Fatime

Vous redoublez ma peine.

Mais où vit votre amant ?

La Veuve

J'ignore son destin ; [335]

Mais je sais qu'il m'aima, qu'il désira ma main,

Qu'il me fut arraché, qu'il fallut me contraindre,

Étouffer un amour que je ne pus éteindre ;

Que ce fatal amour, vainement combattu,

Malgré moi se réveille, et trouble ma vertu. [340]

Dans tout autre pays, hélas ! Si j'étais née,

Je cessais d'être esclave, et d'être infortunée :

Celui qui m'eût contraint à passer dans ses bras,

M'aurait laissée au moins libre par son trépas ;

J'aurais eu quelque espoir, fut-il imaginaire, [345]

De retrouver un jour celui qui m'a su plaire,

Et cette illusion, soulageant mon ennui,

M'eût encor tenu lieu du bonheur d'être à lui.

Aujourd'hui, tout m'accable et tout me désespère ;