Scène V
Ah ! Madame, une trêve avec ces étrangers
Arrête le carnage et suspend les dangers ;
Il est vrai qu'on la borne au cours d'une journée ;
Mais j'en ai plus d'espoir, plus la trêve est bornée. [570]
Dans nos murs la terreur et le trouble est partout :
Et sans doute à céder l'indien se résout.
Le général français, sans dépouiller l'audace,
Avec le gouverneur traite devant la place,
Et le ton dont il parle annonce qu'au plus tôt [575]
La ville doit se rendre ou s'attendre à l'assaut.
Et prête à voir changer la loi qui vous accable,
Vous précipiteriez votre fin déplorable !
Vous n'en pouvez douter, madame, vous vivrez,
Du moment qu'aux français ces murs seront livrés. [580]
Mais quel trouble nouveau vous presse et vous domine ?
Sans doute l'entretien de ce jeune bramine,
Qui dans la fleur des ans porte un coeur si cruel,
Jette dans votre esprit ce désespoir mortel.
Ah ! Tu ne connais pas... cache bien ce mystère ; [585]
Fatime, qui l'eût cru ? Ce bramine est mon frère.
Oui, je l'ai retrouvé dans ce temple de mort ;
Il vit pour s'opposer aux rigueurs de mon sort.