Et vous voulez mourir dans d'horribles souffrances !
De vos autres parents les barbares instances, [590]
L'emportent dans ce coeur tristement affermi !
Un frère en vain vous aime !
Hélas ! J'aurais gémi
De marcher au bûcher conduite par un frère,
Et je gémis de voir qu'il cherche à m'y soustraire :
Dénaturé, Fatime, il m'eût percé le coeur ; [595]
Sensible, il me déchire, il veut mon déshonneur.
Telle est ici ma gloire et cruelle et bizarre,
Qu'il en est l'ennemi pour n'être point barbare.
N'était-ce point assez qu'il me fallût bannir
De mon âme attendrie un trop cher souvenir, [600]
Sans avoir à combattre encor dans ma misère,
La voix de la nature et les secours d'un frère ?
Eh ! Pourquoi vous tracer sous de noires couleurs
Ce qui peut au contraire abréger vos malheurs ?
Pourquoi désespérer ? Tout vous presse de vivre, [605]
La trêve qu'en ces lieux la conquête peut suivre,
Un frère retrouvé ; le dirai-je ! Un espoir
Plus cher à votre coeur et qu'il peut concevoir.
Eh ! Qui sait, dans le camp s'ils n'ont pas connaissance
De cet européen dont vous pleurez l'absence ? [610]
Je saurais son destin !... Dieux ! Quel espoir m'a lui !
Heureuse Lanassa ! Tu pourrais aujourd'hui !...
Mon âme en ces moments ouverte à l'espérance,