Page:Le Monde moderne, T4, 1896.djvu/698

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constitue, par la pensée, la scène tragique : les tombes transformées en barricades, le crépitement de la fusillade, la lutte corps à corps, les cris, les hurlements de fureur, l’amoncellement des cadavres sur cette terre qui en recèle déjà tant en son sein.

Puis, les dernières péripéties de la bataille : les Fédérés repoussés, cernés, acculés à la muraille qui se coupe à angle droit d’un côté et forme de l’autre, avec le terrain en déclivité, une sorte de bas-fond d’où l’on ne pourra plus sortir et où l’on mourra.

Cette partie du Père-Lachaise attire toujours les curieux et particulièrement les étrangers. Depuis quelques années, le monument de Chabert, le créateur du « Parti ouvrier », s’élève sur le terrain même où périrent les derniers défenseurs de la Commune. Son buste, dressé en face du mur, semble y lire les inscriptions qui s’y étalent.

Quelques pas plus loin, des oiseaux chantent dans les branches touffues d’un amandier sauvage.


le columbarium



Quoiqu’il y ait bien peu de mahométans à Paris, on a voulu néanmoins leur consacrer au Père-Lachaise un lieu de sépulture spécial. Le cimetière musulman, situé dans le voisinage du Columbarium, forme, avec sa clôture de haie vive et sa petite mosquée bariolée, une section bien à part dans la Nécropole. Là, pas de couronnes, pas de fleurs, pas d’attributs, pas de vains ornements. Le mépris du corps humain une fois que l’âme a cessé de l’habiter s’y affiche dans tout le rigorisme de la philosophie orientale. Les tombes y sont d’ailleurs fort rares.

On en trouve à peine cinq ou six sur lesquelles les parents et les coreligionnaires du défunt ont amoncelé des pavés, des pots de fleurs brisés, des ardoises, des morceaux de bois, des débris de toutes sortes. Seule, cette malheureuse