avant la promotion qui avait fait de lui une Excellence. Pénétré dès l’abord d’une crainte salutaire, Akaki Akakiévitch entama pourtant du mieux que le lui permit sa langue hésitante, un discours pavoisé de « n’est-ce pas » plus fréquents que de coutume : « Il avait un manteau flambant neuf ; on le lui avait volé sans merci ; il suppliait Son Excellence d’intervenir comme bon lui semblerait, en écrivant à qui de droit, au préfet de police ou à un autre personnage pour activer les recherches… »
Le personnage important trouva, Dieu sait pourquoi, cette requête directe d’une familiarité excessive.
— Ah çà, monsieur, s’exclama-t-il de son ton le plus cassant, où croyez-vous donc être ? Ignorez-vous à ce point les usages ? Vous auriez dû tout d’abord présenter votre requête à l’employé de service ; celui-ci l’eût transmise en bonne et due forme au chef de bureau, le chef de bureau au chef de division, le chef de division à mon secrétaire, lequel me l’aurait enfin soumise.
Akaki Akakiévitch sentit la sueur le baigner. Il rassembla pourtant le peu de courage qui lui restait pour balbutier :
— Que Votre Excellence daigne m’excuser… Si je me suis permis de la déranger…, c’est que les secrétaires, n’est-ce pas…, on ne peut guère se fier à eux…
— Comment ! Comment ! s’écria le personnage important. Qu’osez-vous insinuer par là ? D’où viennent ces idées subversives ? Où donc les jeunes gens d’aujourd’hui prennent-ils cet esprit d’insubordination, ce manque de respect envers leurs chefs et les autorités établies ?
Le personnage important n’avait sans doute point remarqué qu’ayant déjà passé la cinquantaine, Akaki Akakievitch ne pouvait être rangé parmi les jeunes gens que d’une façon toute relative, par comparaison avec les vieillards de soixante-dix ans et plus.
— Savez-vous à qui vous tenez ce langage ? Comprenez-