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enthousiasme

malgré les tenaces chutes de neige molle, et bientôt pousser au fond des parterres, les crocus bleus, jaunes, et les tulipes au grand cœur ! Elle vit la montagne passer du blanc rayé par les arbres, à une couleur noirâtre uniforme et triste.

Mais là aussi l’écran des giboulées trompait l’œil et soudain, un matin, le soleil rosit en se levant la haute tour de l’Université, puis comme un réflecteur, promena ses rayons sur une montagne toute tachée de la couleur différente des bourgeons. Chênes, érables, bouleaux mêlaient leur roux, leur vert pâle et tendre, leurs bruns légers. Peu à peu commençait à se tisser la tapisserie qui serait achevée par l’été…

Au début de mai, Mathilde qui avait pédalé jusqu’au boulevard Mont-Royal, aperçut sous bois les premiers trilles et attachant sa bicyclette à un arbre, elle s’enfonça dans les ronces pour les cueillir.

Elle revint, le petit panier de métal accroché au guidon de la bécane, disparaissant sous les fleurs blanches. Enfin, il y aurait dans la maison et dans sa chambre, des bouquets qui n’auraient pas coûté une fortune !

Désormais, pour courir les routes, elle n’avait plus besoin de gros bas et de mitaines. En chandail, en jupe légère, elle allait, laissant le soleil dorer sa figure et aérer ses cheveux. Elle buvait le printemps. Elle n’en perdait pas une parcelle. Personne ne l’aurait mieux vu qu’elle ! Par les petites routes dont les ramifications aboutissent à Côte-de-Liesse, elle allait même le soir, maintenant que le jour durait si longtemps. Elle connut