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il n’y a pas de sot métier

battue de nouveau avec le poêle de la cuisine, il a fini par prendre, j’ai fait du café, nous avons déjeuné et me voilà, je suis venue pour voir si vous aviez mangé !

— Vous avez donc, à dix heures du matin, déjà six milles de skis dans les jambes ?

— Exactement. Mais ce n’est pas le pire. Le pire, ce sont les milles que je fais dans l’escalier de la cave, pour ma lutte avec le bois vert !

— Comme vie de chien, ça ressemble à la mienne. Il faudrait changer tout cela…

— Mais comment ? Maman en parle aussi, mais elle me crève le cœur. Elle veut louer la maison à des touristes et vivre à Montréal, dans une chambre ! M’y voyez-vous ? Moi qui suis habituée à courir la campagne toute la journée et qui aime tant mes montagnes même avec ma misère. Je devrais me faire coiffeuse… Je comprends que je suis pianiste, mais on ne gagne pas sa vie ici avec çà… tandis que la coiffure… j’aurais les riches américaines dont la neige dérange si vite les ondulations… Qu’en pensez-vous ? Il n’y a pas de sot métier…

— J’en connais un meilleur pour vous…

Mais la porte s’ouvrit faisant carillonner la clochette, et ce fut une invasion. Trois jeunes filles, autant de jeunes gens. Il fallait de la cire pour temps froid sur leurs skis. Ils voulaient réajuster leurs attelages… Ils partaient pour Saint-Sauveur dans une demi-heure…

Yvette, pressée, dut se sauver.

— Reviendrez-vous dans la journée…

— J’ai peur que non.