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hobo d’occasion

Ce petit bourg au bord de la rivière est surplombé par l’effarante hauteur des Rocheuses, le soleil y disparaît tôt le soir.

Louis regarda son décor prodigieux, de plus en plus émerveillé : des ruisseaux nombreux naissaient des neiges éternelles et dégringolaient formant des lacets blancs sur le flanc coloré des monts.

Malheureusement, la pluie reprenait. À un demi-mille de Field, Louis sauta du train, chercha, comme cela devenait son habitude, une rivière où se débarbouiller. L’eau était froide. Une fois lavé, il se sentit plus brave et moins voyou. Mais la pluie ne cadrait pas avec ses plans. Ressentant l’effet du manque de sommeil, de nourriture, et du froid péniblement supporté, il se dit qu’il ne continuerait pas son aventure par un temps pareil. Il lui fallait trouver à se loger.

Un Y. M. C. A. parut à Louis l’endroit propice et sûr. Le train était arrivé à six heures et trente du soir. Louis se mourait de faim et il dévora son premier vrai repas. Après, prenant enfin une véritable douche — ô délices ! — il se mit au lit mieux disposé et tout en essayant de s’habituer à ne plus rouler, il ébaucha des résolutions pour le lendemain. Il avait vu les Rocheuses, il retournerait vers l’est par le convoi des voyageurs. Mais pour cela, il fallait de l’argent. Pour avoir de l’argent, il lui fallait encaisser son chèque. Or, il n’y avait pas de banque à Field ; bien reposé, bien lavé, Louis ne put tout de même pas échanger son chèque. Personne ne voulait de son papier… Il fut bien forcé de reprendre son métier