Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
enthousiasme

qu’elle devait cesser de pleurer et donner du lait, et manger dans le beau champ rouge de trèfle, bleu de jargeau, blanc de marguerites.

Nous restâmes dans la porte pour le spectacle. Marie attacha la queue et la patte de Mousseline ensemble. C’était un des conseils qu’elle avait reçus ! Elle s’installa sur le petit banc, s’appuya le front au flanc de la bête et commença de tirer…

Cela ne sortait pas à flots. Elle tira une heure. Les plus douces paroles, les gestes les plus tendres ne changèrent pas grand’chose. Elle pinça, tira, massa, repinça et retira pendant une heure pour une pauvre pinte !

Ce fut après cela que Marie eut une conférence avec les amies des alentours, les parents présents, et même les bonnes — qui étaient meilleures cuisinières que vachères ! — et tout le monde fut d’accord : boire du lait sûr, ou ne pas en boire du tout, valait mieux que tout ce tintouin. Puisque Mégras offrait de reprendre sa bête, il fallait accepter !

La pluie tombait encore. Il n’était pas question d’attacher Mousseline derrière l’auto ou derrière ma bicyclette et d’aller la reconduire. Il fallait patienter une nuit de plus.

Le lendemain, Nazaire guéri, ressuscité, arriva fouettant gaillardement son cheval, pour se donner une contenance. Marie qui avait eu l’idée de le congédier, pour son insurrection de la veille, se contenta de lui dire avec une ironie qui passa inaperçue :

— Ah ! vous êtes mieux !