Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
le carême d’isabelle

Elle est curieuse comme une belette ! Cette résolution-là, elle peut se flatter de penser qu’elle sera difficile à tenir. Il y en a une autre, aussi, qu’elle a dans l’idée depuis le commencement, mais qu’elle ne se décide pas à risquer, parce que vraiment, elle n’a pas envie de la tenir. Elle réfléchit, commence à l’écrire, déchire le papier, puis, tout à coup résolue à avoir l’âme généreuse, trace en très gros caractères :

— LAVÉ LA VAISELLE —

Elle est tentée de rouler le papier un peu différemment pour le reconnaître et ne pas le prendre trop souvent. Mais non. Elle sera héroïque jusqu’au bout. Le voici roulé, et si pareil aux autres que, tout de suite demain, elle pourra tomber dessus ! Après tout, le carême est le carême, ce n’est pas un temps de réjouissance, et puisque Isabelle est trop petite pour jeûner, il faut bien qu’elle fasse quelque chose. La boîte n’est pas pleine. Qu’est-ce qu’elle pourrait bien ajouter ? Le souvenir d’un drame et d’une humiliation récente, lui inspire son dernier papier :

— NE PAS AIMER LES GARÇONS, GUSÇE QUAND JE SERAI GRANDE —

Celui-ci bien roulé et glissé dans la boîte, elle entend sa mère qui demande :

— Isabelle, as-tu fini tes devoirs ? Il est huit heures et demie…

Elle n’avait pas de devoirs, à cause du mardi gras. Heureusement, car dans le feu des bonnes résolutions, elle les aurait sûrement oubliés. Elle se lève pour aller dire bonsoir, mais sa