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enthousiasme

dernière résolution a réveillé le triste souvenir de son premier amour, et elle dit :

— Est-ce que c’était assez épouvantable, maman, Jean, me prendre de force, devant tout le monde, en pleine rue !

La mère se pince les lèvres pour ne pas rire, et acquiesce.

— Oui, oui, mais c’est fini, n’y pense plus. Tu as eu ta leçon…

— Oui, c’est fini, je t’assure. Je ne l’aime plus, pas une miette, et des garçons j’en aimerai pas d’autres, …pas de sitôt.

Ce premier amour d’Isabelle avait duré six semaines, à peu près. Il était né dans la salle paroissiale, à la représentation d’un film de Deanna Durbin donné au profit de je ne sais quelle œuvre.

Isabelle y était allée avec sa sœur Martichon, qui avait treize ans. Le petit Jean avec sa mère occupaient les chaises voisines des leurs, et tous se reconnurent pour s’être vus bien souvent. Ils habitaient la même rue. Mais, ils ne se parlèrent pas d’abord, ils écoutaient, regardaient.

Cependant, Isabelle — avec sa précoce intuition de femme, sans doute, et aussi grâce à sa girouette de tête qui tournait toujours au moment où on s’y attendait le moins — remarqua bientôt que le petit Jean la contemplait au lieu de regarder l’écran. Et chaque fois que ses yeux rencontraient ceux du petit garçon, elle lui souriait. Sans s’en douter, elle le frappait en plein cœur. La pièce finie, ils revinrent ensemble, et Jean et Isabelle marchèrent devant, Isabelle