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le carême d’isabelle

faisant naturellement tous les frais de la conversation. Elle questionna, donna ses impressions, et cela finit par une invitation :

— Viens donc jouer chez nous… maintenant que tu me connais ?

Elle n’aurait pas eu besoin de l’inviter. À sept heures et demie, le lendemain, il venait une heure d’avance la chercher pour l’école ! À midi, il revint. Et le soir, après la classe, jusqu’au souper. Un jour, deux jours, trois jours.

Isabelle qui avait toujours été gaie comme un pinson et coup de vent comme un cyclone, s’assagit soudain et parut parfois songeuse. Venant embrasser sa mère, elle mit sa tête brune sur son épaule et dit :

— Il m’aime, maman, il m’aime assez, si tu savais ! J’n’ai jamais vu ça !

Ceci le quatrième jour.

Aussi, le soir, l’amoureuse enfant couchée et endormie, y eut-il conciliabule entre les grands de la maison. Martichon avec la sévérité de ses sages treize ans, déclara :

— Maman, tu devrais arrêter ça. Tu devrais lui défendre de jouer si souvent avec lui. Si tu la laisses faire, tu vas en faire une petite garçonnière. À dix ans, c’est un peu fort.

Mais la maman d’Isabelle était d’humeur moins draconienne, et le père voulait voir durer un peu la comédie. Car les enfants jouaient le plus souvent auprès d’eux, et s’ils couraient dehors, c’était autour de la maison, qui, étant une maison de campagne, avait le bonheur d’avoir des yeux tout le tour de la tête !