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enthousiasme

la bande ayant en courant rejoint le groupe des filles, les gamins se mirent à crier à Jean :

— Embrasse-la ! Embrasse-la ! Si c’est ta blonde, pourquoi que tu ne l’embrasses pas ?

Et pendant que Jean se faufilait timidement auprès d’Isabelle, ils narguaient de plus en plus le pauvre amoureux. Isabelle, se détournant, les foudroya du regard, et ses deux tresses claquèrent comme des fouets ! Les effrontés n’en accentuèrent pas moins leur plaisanterie :

— Non, ce n’est pas ta blonde. Tu serais capable de l’embrasser si c’était ta blonde.

C’en était trop. Les timides ont de ces subites audaces, Jean, avant qu’Isabelle ait eu le temps de soupçonner ses intentions, lui plaquait sur la joue un baiser retentissant, puis, l’empêchant de se sauver en se cramponnant à elle, lui en donnait deux ou trois autres. Elle se dégagea avec force, et cria : Jean ! d’un ton où passait un chagrin aussi véhément que l’était son indignation.

Essoufflée et en larmes, elle entra en coup de vent dans la maison :

— Maman, maman, Jean m’a prise de force devant tout le monde. J’lui parlerai plus jamais, jamais. Je ne l’aime plus, il n’est plus mon ami, c’est fini, fini !

Pauvre Jean ! La mère et les autres gardèrent miraculeusement, ou au moins, au prix de grands efforts, un visage compatissant et sérieux, tant que dura le récit de l’attentat. Mais les larmes d’Isabelle, attiraient en même temps leur pitié. Avant de pleurer de colère et de honte, elle pleurait de déception. On avait abusé de sa confiance.