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le carême d’isabelle

Elle répétait indignée :

— Me prendre de force, en pleine rue, devant tout le monde ! Jean ! Je n’aurais jamais pensé ça de lui !  !  !

À la maison, on s’imagina qu’elle en reviendrait, et pardonnerait, à son admirateur, même si elle répétait : « Je ne l’aime plus, pas une miette ». Mais, non ! Le pauvre Jean, du coup, avait tué l’amour d’Isabelle et il fut puni de son maigre délit, comme s’il eût été coupable d’un crime passionnel.

Et c’en fut fini des sourires heureux et des rêveries. Et c’était à la suite de cette première expérience qu’elle prenait ce soir la noble résolution de ne PLUS AIMER LES GARÇONS, GUSCE QUAND ELLE SERAIT GRANDE.

Et voici que commence le carême d’Isabelle. Le mercredi des Cendres et les jours suivants, elle tire de sa boîte un petit papier, et toute la journée, la résolution préside à ses actes.

Si le petit papier dit : Être gentille avec le monde, elle est gentille avec le monde pendant vingt-quatre heures ! Si le petit papier dit : Ne pas mangé de tire, elle fait cette pénitence d’un cœur léger, sans tentation, il n’y a pas de tire à la maison ! Si le petit papier dit : Lavé la vaiselle, Isabelle offre ses services et lave la vaisselle. Elle espère parfois qu’on refusera son aide. Mais sa mère, ayant vu par hasard la boîte aux résolutions, ne veut pas la priver de ses moyens de sanctification.

Isabelle a ainsi l’occasion de laver la vaisselle trois ou quatre jours de suite, à deux ou trois reprises. Elle a beau secouer la boîte, brasser