moqueries le capitaine. Pareil pour l’Île-Verte ? Pour Tadoussac ? Il ne se fâche pas. Il s’est assis, fume sa pipe. La vague de la mer très haute berce ses ambitions. On dirait un héros de Conrad.
— Vous pouvez rire, mais vous verrez. Y a encore d’l’argent à faire avec… La coque est ébarrouie, mais ça va renfler à l’eau. Et c’est grand là-dedans, vous savez. J’peux me coucher, mettre un poêle, une table…
— T’as une salle de bain, j’suppose ?
— Et combien de « Miquelon »[1] pourrais-tu transporter ?
— Pas mal de caisses, allez…
Les mousses vident, vident la cale qui à mesure se remplit. Chaque seau fait fuser les rires. Puis on déplace les amarres d’un poteau à un autre. Les gens du quai s’en mêlent. On tire en ricanant.
— Halez, mais halez donc…
On le hale jusqu’au nord du quai, et le capitaine entreprend, après avoir congédié ses mousses, d’enrouler les câbles à son goût. Il les enroule si serrés qu’une voix charitable l’avertit :
— Donne-z-y-en un peu, tu vois pas qu’à marée basse y va se pendre !
- ↑ Alcool de contrebande.