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LA MAISON

furie des flots ne se calmait pas. Aucune ancre ne résisterait.

La marée qui montait, rendait la lame plus traîtresse. En haut de Mont-Joli, où se trouvait le meilleur poste d’observation, les gens s’étaient allongés dans l’herbe mouillée, ne pouvant se tenir debout, même cramponnés au fer de la balustrade, tant le vent avait de force. Couchés, l’embrun mêlé de sel, les frappait quand même cruellement au visage et pour pouvoir regarder, de leurs mains ils se faisaient une visière.

Le sel entrait dans la bouche, brûlait la peau, l’air trop violent faisait suffoquer. L’écume des vagues bondissantes, jaillissait jusqu’à cette hauteur de près de deux cents pieds, en se brisant tout près sur le grand Rocher Percé, si étonnant, si immuable sous les coups de cette mer démontée. Le spectacle était à la fois grandiose et terrible. Le matin, le ciel n’était pas encore tout gris ; à l’est, des bandes de bleu séparaient les nuages fumeux ; avant midi, une clarté de soleil voilé se devinait à travers l’embrun et, se reflétant dans la mer, marbrait quelques vagues d’une transparence glauque.

Mais à midi, aucune lumière ; un bonnet de plomb dur couvrait le ciel. La mer n’était plus qu’une armée affreuse de houles se poursuivant grises, monumentales, menaçantes, pointues, et