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LA MAISON

Que de confidences elle a encouragées, au coin de l’âtre rustique, là-bas dans sa maison de la mer où nous étions autrefois toujours, tant de jeunes filles. Tricotant des laines pâles, elle nous écoutait, plus gaie que nous souvent. Ah ! tous ces souvenirs de sa vie et de la nôtre à pleurer, que les douces heures écoulées dans ce salon fleuri de cretonne ! L’heure du thé quotidien, qui nous réunissait, bavardes, animées, et les soirs où elle nous trouvait presque trop étourdissantes, nos voix aiguës, nos rires se mêlant au chant terrible et beau de la vague toute proche.

C’était une femme heureuse, malgré les inévitables tracas de l’existence, malgré la grande part qu’elle prenait aux alarmes des siens (elle fut grand’mère à quarante-six ans) et de ceux que par amitié elle avait adoptés. Elle était heureuse et c’est plus triste à cause de cela qu’elle soit morte. Choyée par les siens, et par tous les autres qui comme moi l’aimaient, entourée d’égards, de délicatesse, possédant dans sa famille des trésors d’âmes, elle ne pouvait pas ne pas chérir la vie qui sans l’épargner, lui avait laissé tant de fleurs à respirer.

Et elle demeurait jeune, gardant une certaine candeur qui était le plus grand de ses charmes. Elle faisait des projets, elle avait une tournure d’esprit vaguement romanesque, un enthousiasme sans pareil, pour toutes sortes de choses :