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AUX PHLOX
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les gens, le talent, les paysages, les livres, les voyages. Et elle essayait quelquefois par pudeur, d’atténuer cette exaltation, en disant : « Ah ! mais vous savez ; qu’à mon âge, rien n’est beau comme au vôtre ! »

Je l’entends encore. Il y a si peu de temps qu’elle était venue, et que dans ce fauteuil, près de moi, sous ma lampe jaune qui baignait de lumière l’ondulation de ses cheveux blancs, elle me souriait, magnifique, ayant l’air, avec son teint frais et ses yeux brillants, d’avoir blanchi ses cheveux pour s’amuser, comme une marquise d’autrefois. J’admirais sa vivacité tenace, sa personnalité si attachante, son intelligence ; et elle était droite, franche et originale dans la discussion. Chrétienne, elle interprétait la vie dans son sens unique, mettant Dieu et notre salut avant tout. Elle n’aimerait pas que notre chagrin soit une révolte, elle désire sans doute de là-haut que nos regrets ne soient point amers, elle veut que nous disions avec elle : « Que voulez-vous ? quand c’est la volonté divine, c’est pour le mieux ! »

Mais c’est horriblement triste, sa mort subite, en pleine vigueur, en plein rayonnement. Et je voudrais qu’un miracle consolât ceux que ce deuil va tant affliger, et que ma peine allège leur grande douleur.

12 juillet 1928.