Page:Le Normand - La Maison aux phlox, 1941.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[150]
LA MAISON

la table, qui s’appuyait à la fenêtre du côté de la mer ; un goéland passait et repassait au-dessus de l’eau. À cette table, nous ferions un continuel voyage en bateau… Un feu brûla bientôt dans l’âtre, éclairant la pièce à mesure que le jour tombait.

D’avance, avais-je réellement eu peur ? Une grande sérénité avec le beau ciel enveloppait ici le monde. Il me sembla qu’il ne ferait jamais noir. Des pinsons chanteurs gazouillaient ; le bruit rythmé de la mer accentuait le silence… L’été, dont j’avais tant rêvé, la mer, que j’avais tant désiré revoir, tout était là ; je pouvais m’endormir ; aucune obscurité ne m’effrayerait plus jamais. Dieu était trop bon de m’accorder ainsi la réalisation d’un rêve…

Nous étions dans la maison d’oiseaux. Nous habitions la maison d’oiseaux. Elle ne serait peut-être pas la maison du bonheur, mais elle serait la maison des clairs matins, la maison où l’on dirait, bien des fois dans l’été : « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » !

La maison d’oiseaux, celle où seul « le bel aujourd’hui » compterait ; celle d’où volontairement, je repousserais toute pensée soucieuse, toute peine, la maison du repos, de la paix.

Chandler, 21 juillet 1938.