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AUX PHLOX
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Le spécialiste avait pourtant dit : « Ces enfants-là sont très sensibles à la musique ».

Mais le piano, s’il restait, demeurerait éternellement muet.

Ce soir, pourtant, il lui parle de toute sa vie.

Depuis ce premier matin où, juchée sur le tabouret monté le plus haut possible, on lui avait montré à mettre son petit doigt sur le do du milieu ; et jusqu’aux longs jours de son adolescence où, à chaque retour de classe, elle s’enfermait avec ce piano et jouait des heures et des heures.

Chez ; elle et chez les voisins, on disait qu’elle était musicienne.

Elle, savait fort bien qu’elle ne l’était pas, en dépit de ces diplômes qu’elle accumulait d’année en année, et qui représentaient tant d’émotion, tant d’énervement, et tant de dépenses pour ses parents, tant de fierté, aussi, pour eux, heureusement.

Aucune fierté pour elle. Elle sentait trop que son talent n’était que de la facilité, du travail, de l’intelligence.

Et quand, plus tard, à dix-huit ans, elle s’était mis en tête d’étudier autre chose, qu’elle avait négligé le vieil instrument, elle avait laissé dire autour d’elle, — non par les siens, jamais ils ne lui avaient rien reproché, — mais par les parents, les amis, les voisins :