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LA MAISON

Tandis qu’autrement, elle trouvait tout ; et Mozart, ou Chopin auraient été bien étonnés des idées qu’ils aidaient à naître…

Non, ses études musicales n’avaient pas servi la musique, mais elles n’avaient été ni du temps, ni de l’argent perdus. Son adolescence s’était enrichie, avait été sauvegardée, était entrée définitivement dans le royaume des joies spirituelles.

Et puis, toutes ces heures diverses, vécues dans cette solitude ; des heures de félicité secrète et indéfinissable, qu’il fallait cacher à tout le monde, puisqu’elle ne pouvait pas les expliquer ; des moments profonds et sonores comme la musique ; des grands rêves fous, des chimères qui soudain la possédaient tout entière, volaient autour d’elle, aussi réelles que ces grands oiseaux qui se poursuivaient, sur la frise de la tapisserie du salon où elle était alors enfermée.

À d’autres jours, il y avait des déceptions, des chagrins fantastiques, des inquiétudes, des angoisses cruelles et violentes. Tant de choses, dans ce monde, menacent la sécurité même d’une toute jeune vie. La jeune vie est censée ne rien voir, ne rien entendre, ne rien souffrir. On veille bien à ce qu’elle ne devine aucune des peines maternelles, qu’elle ne connaisse pas les revers, qu’elle ne soupçonne pas la gravité des maladies.