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LA MAISON

Elle ne regrette rien, mais peut-elle être tout à fait insensible, en coupant volontairement un pareil lien ? quand elle s’aperçoit à quel point elle est attachée à ce meuble qui s’en va ?

— Je suis sentimentale, c’est ridicule, se dit-elle. Si, encore, maman et ma vieille sœur m’avaient recommandé de le conserver.

Mais non. Elles l’avaient vue ne plus jamais toucher au clavier, elles pressentaient que l’avenir chambarderait les anciennes coutumes, et qu’un piano, meuble autrefois indispensable, devenait un meuble inutile.

— Si ta petite n’apprend pas, ce sera au moins toi qui le vendras. Il t’appartient.

Alors, c’est tout. Elle le vend. Il s’en va. Plus de piano dans sa vie. Dans sa vie dont il ne lui reste plus que le tiers à vivre, si elle n’atteint que l’âge qu’elle veut atteindre.

Car elle dit à qui veut l’entendre :

— Je ne veux pas vivre vieille. Je ne veux pas être malade, impotente.

Elle dit : je ne veux pas. Et nul ne sait pourtant mieux qu’elle, à quel point c’est la vie qui décide tout. C’est Dieu plutôt. Et il faut rester souriant, accepter, offrir.

— Ainsi pour la petite enfant qui ne guérira pas.

Elle accepte. Elle offre. Mais, hélas ! son sourire n’est plus celui qu’elle arborait, pour