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LA MAISON

Pour ici-bas, elle s’est résignée. Elle n’attend plus rien de fulgurant. Du bonheur, elle s’en compose d’un mot gentil, d’un geste de ses enfants, de la douceur de leurs fines petites mains, de leurs yeux si lumineux, si francs, si tendres. Et pourvu que son mari soit heureux, elle est heureuse.

Cela ne peut pas être tous les jours. Mais le bonheur, c’est aussi de savoir couvrir ses inquiétudes, ses ennuis, de savoir les diminuer avec la joie qu’elle ressent par exemple, à regarder ses iris au miroir. Le livre repris tombe de nouveau. Monique songe à ce miroir. Tout ce qu’elle y reverrait s’il devenait magique. Il a réfléchi tant de chambres, tant de figures et d’expressions différentes.

Elle l’apporta en se mariant du foyer paternel. Quand Monique était petite, elle montait sur une chaise pour s’y voir, y lisser ses boucles, ou grimacer, se tirer la langue. À seize ans, à dix-sept, elle s’y regarda plus sérieusement. Ressemblait-elle à une héroïne de roman ? Ses cils étaient-ils assez longs ? Le soir, elle les enduisit quelque temps de vaseline ou de beurre de cacao. Mais les lendemains, elle avait beau s’examiner, elle ne découvrait pas qu’ils avaient poussé pour la peine.

Elle rit bien, maintenant, en se souvenant du soir où, après d’infinies hésitations, elle