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AUX PHLOX
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Thé au rhum

Christine entr’ouvre le lourd battant de la porte cochère et sort. Dans la petite rue de Fleurus, tout est gris : les hautes maisons, le pavé, le ciel. Chaque fois qu’ainsi Christine se retrouve dehors, elle est quand même envahie de bonheur.

— Moi, je suis à Paris, se dit-elle ; moi, Christine, je suis à Paris. À Paris !

Paris : rêve de son enfance, et puis, rêve de sa jeunesse. Paris ! La France ! Au couvent, ses compagnes nourrissaient comme elle pour la France un sentiment exalté joint à une admiration sans borne pour ce langage de là-bas, plus doux que le leur, plus riche que le français du Canada souvent archaïque et provincial.

Aussi, bien avant de savoir qu’elle viendrait à Paris, Christine s’y faisait des amies. Dès l’âge de douze ans, elle écrivit à des abonnées de la Semaine de Suzette, des enfants, qui lui répondirent de longues lettres mal orthographiées. Mais Christine les excusait et les admirait encore plus. Quand on prononçait les « ais »