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LA MAISON

si fermés, on était bien excusable de confondre le passé défini avec l’imparfait. C’était un charme de plus. Christine imaginait ses correspondantes parlant leurs épitres, et disant, comme elles l’écrivaient : j’été pour j’étais, j’allai pour j’allais… Ses compagnes de classe se moquaient, à la fin, de son enthousiasme, pendant qu’elle leur lisait les lettres qu’elle recevait. (Elle n’aurait pu garder pour elle une joie aussi débordante.) Un jour, une petite Bordelaise lui racontant sa semaine avait écrit : « Le jeudi et le mercredi, je vais à mon cours », et Christine entendait encore aujourd’hui son amie Jacqueline lui rétorquer, taquine :

— Tu diras à ta correspondante qu’au Canada le mercredi est avant le jeudi !

Maintenant, Christine traversait le beau jardin du Luxembourg ; elle s’en allait, un peu tremblante, finir l’après-midi chez une de ces correspondantes du passé, dont elle était restée sans nouvelles de nombreuses années.

Isabelle avait pourtant été l’une de ses amies de France qu’elle avait le plus aimées. Vers l’âge de seize ans, elles lisaient, malgré l’Atlantique, les mêmes livres, elles étudiaient les mêmes pièces de piano, elles échangeaient leurs impressions, elles discutaient avec verve tous les problèmes de la vie, que ni l’une ni l’autre ne connaissaient encore. Et puis, soudain, Isabelle