La poupée
Elle dormait depuis des années, avec du linge, dans un coffre. Enroulée d’une vieille toile comme une momie, elle pouvait se croire morte ; croire que jamais plus elle ne reverrait la lumière, que c’en était fini des joies, du soleil. Qui aurait pu, dans ce néant, lui apprendre qu’elle possédait encore ses yeux clairs, ses joues roses, ses dents d’émail et que ses cheveux mieux bouclés pourraient redevenir beaux ?
Parfois, on secouait bien les chiffons qui l’entouraient, mais toujours le lourd couvercle du coffre retombait sur elle. Nul espoir d’ailleurs ne l’agitait plus. Elle s’était habituée à ce sommeil dans l’ombre.
Un midi des éclats de voix la réveillèrent pourtant. Étonnée, elle crut reconnaître la voix qui l’avait autrefois bercée, elle crut aussi s’entendre appeler. Cette voix s’exclamait :
— Ma poupée, ma poupée ! Je n’y pensais plus.