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AUX PHLOX
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À l’instant le coffre s’ouvrait, les chiffons s’écartaient, la vieille toile était déroulée ; mais la poupée serrée dans des bras tendres ne reconnut pas sa maman des jours enfuis. Non, ce n’était pas elle, ce visage de femme, et cet homme qui la regardait aussi, que faisait-il là ? Qui était-il ? La poupée ne comprit pas malgré la même voix qui répétait :

— Je l’aime toujours, crois-le si tu veux, mais je l’aime toujours cette poupée !

Deux baisers sonores s’appliquèrent sur les joues de porcelaine.

Comme en rêve, la poupée s’attendit à être emmaillottée de nouveau et rejetée au fond du coffre après ces démonstrations. Mais on la transporta dans une chambre baignée de soleil, on lui retira sa robe jaunie, on lui mit de la mousseline fraîche, et même des chaussettes de laine, les plus coquettes du monde.

Et alors commença pour la poupée une existence incompréhensible, après l’abandon prolongé, une existence de poupée riche, choyée, heureuse, que chaque jour on habille de neuf et qui du matin au soir est fêtée, admirée. Jamais dans ses plus beaux jours elle n’avait connu tant d’attentions, suscité pareil enthousiasme. Un matin, on la revêtait des pieds à la tête de broderie, le lendemain, on la couchait dans le plus mignon des lits roulants. Sous la