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AUX PHLOX
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même que, l’été suivant, lorsque le dimanche elle la mettait, elle marchait en imitant une grande du couvent qui se tenait la tête droite comme une altesse. Un matin, une petite fille avait crié sur son passage :

— Non, mais regardez-moi donc le paon !

Elle riait bien de cette réminiscence. Devait-elle être assez ridicule ? Sans compter qu’elle était laide à cet âge. On le lui avait assez répété !

Sur les confortables que sa mère n’avait jamais cessé de coudre avec des retailles d’étoffe, quand elle reconnaissait les triangles de cachemire rose, elle se disait :

— Tiens, ma robe de paon !

Elle aurait pu les énumérer toutes, et les décrire, ces robes qui avaient marqué les années. Le souvenir de quelques-unes l’attendrissait encore : une bleu pâle, par exemple, en flanelle très fine, à pois plus foncés. Celle-là, c’était un chef-d’œuvre. Ils n’habitaient plus la campagne. Déjà sa mère développait son goût naturel à regarder les étalages, et devenait plus habile.

Aujourd’hui, Colette confectionnait elle-même ses vêtements.

Elle soupira, pensant à la robe 1931 qu’elle n’aurait pas.

Elle avait fini de repasser. Elle replaça la planche, le fer, s’en alla tenant à bout de bras, par les épaulettes, cette robe qui n’était plus