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LA MAISON

neuve, qui avait été allongée ; la mince ligne de l’ancien ourlet se voyait un peu.

Mais elle n’avait pas les moyens, ni le temps non plus maintenant, d’en avoir une autre. Elle portait aussi cet hiver son vieux manteau, faisait durer ses gants, ses bas… C’est que l’automne avait été marqué par une catastrophe. Un malheur avait frappé la fortune de son frère aîné, qu’elle aimait de toute son âme. Il en avait été malade, cachant à tous l’approche d’une échéance désastreuse. Colette l’avait surpris un soir, si sombre, si affaissé, qu’elle l’avait interrogé, et qu’enfin il s’était confié. Il pleurait en parlant, lui d’ordinaire si fort. Sa douleur assombrit le cœur de Colette. Elle se serait volontiers offerte en holocauste. Une immense tendresse, c’était tout ce qu’elle avait d’abord pu donner. Il venait de lui avouer qu’il lui faudrait vendre sa maison, et que sa femme et ses enfants n’en savaient rien. Et quel acheteur trouver, dans ces mauvais jours ?

Leur maison ! Leur petite maison charmante comme un rêve de bonheur dans son cadre fleuri ! Colette était revenue chez elle tremblante, les larmes aux yeux, et tout de suite avait averti et imploré son père. Il fallait à tout prix secourir Jean. Elle avait été d’une ingéniosité incroyable pour lui suggérer une transaction possible. Puis elle avait ajouté :