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LA MAISON

troublerait pas. Les vêpres n’étaient que le soir. Le repas de midi achevé, elles tournaient avec délices le dos au monde et à ses pompes, au ciel bleu, aux arbres verts, qu’elles aimaient pourtant comme des êtres, et à la rivière qui coulait charmante, poétique et azurée…

L’une à côté de l’autre, les pieds sur le mur beige, enfoncées dans leurs grandes chaises, elles partaient, s’envolaient comme sur un chariot ailé, à des distances infinies…

Je les ai vues s’émouvoir, se passionner des aventures d’Arsène Lupin ; je les ai vues se pâmer à cette brise si touchante qui passe dans Les Bouffons de Zamacoïs. Je les ai vues, cruelles parce qu’elles étaient si jeunes, se réjouir que dans Seule, la petite fille de seize ans, enlève à l’amoureuse de vingt-six, un fiancé d’abord retrouvé. Je les ai vues dévorer littéralement Mon cousin Guy, se figurer avec exaltation qu’elles étaient elles-mêmes Arlette ; que leur robe blanche flottait au vent ; qu’elles couraient sur les rochers de Biarritz ; qu’une mer de rêve grondait à leurs pieds.

Leur cœur battait plus vite. Leur peau rosissait davantage aux joues ; leurs lèvres s’entr’ouvraient sur leurs dents si blanches et encore si neuves.

Je les ai vues se lisant tout bas les vers de l’Aiglon, de Cyrano, de la Princesse lointaine ;