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LA MAISON

Deux vieilles demoiselles montaient, revenant de l’église, les degrés du trottoir, à l’assaut de la colline. Tous les jours, fidèles comme l’horloge, elles sonnaient ainsi à leur façon l’heure du souper.

L’une des petites disait :

— Il est bien six heures. Voilà la betterave.

La betterave, parce qu’elle avait toujours le même chapeau rouge foncé.

— Et elle monte toujours les marches du même pied, disait l’autre.

Et elles se moquaient tout en replaçant leurs chaises.

Le soir, quand la lampe était allumée, nos jouvencelles chantaient de toute leur âme :

Ô doux printemps d’autrefois,
Vertes prairies,
Vous avez fui pour toujours,
En emportant mon bonheur…

Leur grand’mère grommelait :

— Vous ne trouverez peut-être pas cela si drôle, quand ce sera vrai, mes petites.

Mais les petites n’écoutaient que d’une oreille et chantaient du même cœur heureux, les mêmes paroles tristes…

Elles étaient sûres que c’était vrai pour tout le monde, mais que pour elles, le printemps serait éternel.

Hélas ! ô beaux dimanches du passé…